KAAN, le chasseur furtif turc qui veut faire trembler le Rafale.
Dans les hangars d’Ankara, un fuselage de 3,3 tonnes attend son cockpit. La Turquie trace seule sa route vers la 5e génération avec le programme KAAN, son futur chasseur furtif qui pourrait bien s’avérer un rival plus à la mesure du Rafale français que le F35 (probablement déjà hors d’atteinte).
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Ankara met les gaz pour sortir du giron occidental avec le programme KAAN
Ils ne veulent plus attendre des autorisations d’exportation ni de pièces détachées bloquées pour raisons politiques. Avec le programme KAAN, la Turquie veut tourner la page du F-16 et s’émanciper des avions conçus ailleurs.
La plateforme, 100 % turque selon ses concepteurs, entre dans une phase délicate : l’intégration système du deuxième prototype, baptisé P1. Après deux vols d’essai réussis en 2024 avec le prototype P0, les ingénieurs de TUSAŞ (Turkish Aerospace Industries) travaillent désormais sur deux appareils “améliorés”, avec plus d’électronique embarquée et de capacités logicielles.
À terme, KAAN doit devenir le cœur de la supériorité aérienne turque, remplaçant les F-16 vieillissants et prenant place aux côtés des drones MALE (Bayraktar, Anka) déjà produits localement. Une flotte de 148 avions est prévue, mais ce chiffre pourrait inclure les 48 appareils promis à l’Indonésie.
Un avion né dans la douleur d’un divorce
Ce programme n’est pas né d’un excès d’ambition, mais d’un isolement forcé. En 2019, Washington expulse Ankara du programme F-35 après l’achat par la Turquie de systèmes anti-aériens russes S-400. Depuis, la Turquie est orpheline d’avion de 5e génération. La leçon a été digérée et Ankara a pris la décision de ne plus dépendre d’aucun pays occidental pour son aviation militaire.
Le KAAN est donc une réponse à cette « quarantaine forcée ».
Dans les ateliers d’Ankara, chaque aile de 14 mètres est montée à la verticale, chaque fuselage central pèse plus de 3,3 tonnes, et la chaîne d’assemblage peut aujourd’hui produire jusqu’à 8 avions par an. Le but ? Doubler cette cadence rapidement, pour atteindre un rythme de production soutenu dès la fin de la décennie.
Les premiers exemplaires, en version Block 10, seront livrés à partir de 2029 avec une enveloppe de vol limitée, qui sera élargie au fil des mises à jour logicielles. C’est un choix assumé : livrer tôt, et corriger ensuite. Comme l’ont fait les États-Unis avec le F-35, ou Dassault avec ses premières séries de Rafale Marine.
La version finale intégrera des munitions air-air et air-sol turques, une avionique maison, et un système de guerre électronique compatible avec l’architecture de défense du pays. Plus question de dépendre de l’extérieur pour des composants vitaux.
Un concurrent sérieux au Rafale à l’international ?
Aujourd’hui, plusieurs pays scrutent de près l’évolution du programme KAAN, à commencer par l’Indonésie, qui a déjà signé une lettre d’intention pour 48 exemplaires, selon les déclarations de TUSAŞ. D’autres États, notamment au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est et en Afrique, auraient manifesté leur intérêt pour un chasseur de 5e génération plus accessible que le F-35… et potentiellement moins contraignant à l’export que le Rafale, soumis aux règles strictes de la diplomatie française. Des pays comme le Pakistan, l’Azerbaïdjan, le Qatar ou la Malaisie sont souvent évoqués par des analystes comme clients potentiels, dans un contexte où Ankara renforce ses partenariats militaires bilatéraux. Si ces intentions se confirmaient, cela représenterait entre 100 et 150 avions de chasse qui échapperaient au Rafale français, autant de marchés que Dassault Aviation ne pourra plus convertir.
Autrement dit, le KAAN pourrait devenir un concurrent direct sur les appels d’offres dits « non-occidentaux », là où le Rafale peine parfois à s’imposer face aux exigences de transfert de technologie ou à la pression géopolitique américaine.
Un maitrise technique encore à prouver pour le KAAN
Un point qui pèsera encore pendant des années cependant en faveur de notre fleuron national : le Rafale reste aujourd’hui supérieur en maturité, en retour d’expérience, et en fiabilité. L’avion français a été testé au Sahel, en Libye, en Irak, en Ukraine… Il peut voler à Mach 1,8, supercruiser, ravitailler, opérer depuis un porte-avions. Il existe en plus de 280 exemplaires, dans sept forces aériennes.
Le KAAN, lui, n’a pas encore tiré un missile. Son radar AESA maison n’est pas encore opérationnel. Il ne dispose pas encore d’un moteur national (les premiers vols utilisent un moteur américain F110), en attendant un moteur turc développé avec TRMotor.
Pas encore prêt… mais déjà stratégique
KAAN est encore loin de venir voler aux côtés du Rafale sur le porte-avions Charles-de-Gaulle. En revanche, ce chasseur représente bien plus qu’un avion pour Ankara. Il est le symbole d’une volonté : détenir sa propre capacité de dissuasion aérienne, sans avoir à dire merci à Washington, Paris ou Londres.
Même si son entrée en service est prévue pour 2029, KAAN fait déjà parler de lui comme un pion géopolitique. Car dans ce cockpit encore vide, c’est l’ombre d’un pays qui veut écrire sa propre équation militaire… avec son propre stylo.
Comparatif – KAAN vs Rafale (vue opérationnelle 2025)
Critère | KAAN (Turquie) | Rafale F4 (France) |
---|---|---|
Génération | 5e (en cours de développement) | 4.5e (en service) |
Premiers vols | 2024 (prototype) | 1991 (prototype), 2004 (opérationnel) |
Furtivité | Conception réduite RCS | Faible, non furtif |
Vitesse max | Mach 1,8 (annoncé) | Mach 1,8 |
Charge utile | 6 tonnes (prévision) | 9,5 tonnes |
Moteur | F110 (provisoire) | Snecma M88 (x2) |
Production locale | 100 % nationale prévue | France + Inde (DRAL) |
Commandes connues | 148 Turquie (prévision), 48 Indonésie (à confirmer) | 280+ exemplaires, 7 pays |
Source : https://www.ulusavunma.com/kaan-savas-ucaginin-2-prototipi-sistem-entegrasyon-asamasina-alindi
Image : KAAN en construction (TUSAS)