L’Inde va-t-elle produire le chasseur furtif russe Su-57 sur son propre sol ?
Ce n’est encore qu’un bruit de coulisse, mais il court vite en réveillant les souvenirs d’un projet enterré, laissé en plan entre soupçons et frustration.
Le Su-57 (Code OTAN : Felon), avion furtif russe de 5e génération, pourrait bientôt sortir… d’une usine indienne.
New Delhi et Moscou discutent sérieusement sur le projet. Et cette fois, ce n’est pas un « Mirage » (on aime les jeux de mots chez Forum-miliaire).
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Le Su-57 en Inde ? Un retour que personne n’attendait vraiment
On pensait le dossier refermé à double tour. Le projet FGFA, qui devait donner naissance à un chasseur de cinquième génération russo-indien, avait sombré dans le silence. Trop cher, trop flou, pas assez de garanties sur le transfert de technologie. L’Inde s’était retirée. La Russie avait continué seule.
Et voilà qu’en septembre 2025, le dossier refait surface sous une autre forme. Il ne s’agit plus de codéveloppement, mais de production locale. En clair : l’Inde se prépare à assembler, chez elle, le Su-57 Felon, l’unique avion furtif russe actuellement en service.
On parlerait de deux à trois escadrons complets, soit près de 50 avions, qui pourraient voir le jour sur le site HAL de Nashik, là même où sont assemblés les Su-30MKI de l’Indian Air Force.
Une usine indienne pour un chasseur russe
HAL (Hindustan Aeronautics Limited) connaît la recette des avions russes. Elle l’a répétée des centaines de fois depuis vingt ans. Et les ingénieurs de Moscou le savent.
Le site de Nashik, à l’ouest du pays, a déjà tous les réflexes. Les chaînes d’assemblage, les outils, les équipes. Il suffirait de les adapter. et de changer les gabarits, d’apprendre la peau furtive pour accueillir le Felon.
D’après les indiscrétions relayées par l’agence ANI, des experts russes sont déjà sur place. Ils évaluent le coût de l’opération, les étapes de transfert, les composants critiques. Le Su-57, ce n’est pas une version améliorée d’un avion classique. C’est un condensé de technologies invisibles.
Un avion qui intrigue plus qu’il ne rassure
Le Felon, il faut l’avouer, n’a pas encore fait ses preuves. Sa mise en service en Russie s’est faite au compte-gouttes. Les performances sont annoncées, mais rarement démontrées. Peu de photos, peu de vols publics. Beaucoup de mystère et donc beaucoup de doutes.
Pourtant, sur le papier, le Felon promet monts et merveilles. Furtivité directionnelle, supercroisière, radar AESA, armement en soute, poussée vectorielle. Des caractéristiques proches, en théorie, de ce que propose un F-35 ou un F-22 mais pour moins cher, et avec une promesse de souveraineté industrielle.
Car c’est là l’enjeu pour l’Inde. Produire le Su-57 en local, c’est aussi gagner une marge d’autonomie. Contrôler la maintenance. Adapter l’avion aux besoins régionaux. S’éloigner des dépendances aux chaînes d’approvisionnement occidentales.
L’autre carte dans la manche : le Rafale made in India
L’Inde n’en est pas à son premier mariage industriel aérien. Le Rafale, fleuron tricolore, est déjà partiellement assemblé sur son sol. Grâce à un accord stratégique signé en 2016 avec Dassault Aviation, des composants clés sont produits dans l’usine Dassault Reliance Aerospace Limited (DRAL) à Nagpur, dans le Maharashtra, dans le cadre du programme “Make in India”. Cette coentreprise, dotée d’un investissement initial de 100 millions d’euros, emploie déjà plus de 850 ingénieurs et techniciens indiens, et assemble des parties de fuselage, de pylônes et d’éléments de structures pour les Rafale destinés à l’Inde, mais aussi à l’export.
Cette implantation s’est accompagnée d’un transfert de technologie portant sur environ 70 % des systèmes non stratégiques de l’appareil, incluant des savoir-faire en matière d’électronique embarquée, d’optronique, et de maintenance moteur. Le contrat initial de 7,87 milliards d’euros pour 36 avions inclut également plus de 50 % de compensation industrielle, l’une des plus importantes jamais conclues en Inde. Ce précédent pèse lourd dans les négociations actuelles. Il montre que New Delhi est capable d’absorber une technologie de haut niveau, et qu’elle n’accepte plus de simples contrats d’achat sans retour industriel. Si la Russie veut vraiment faire du Felon un avion “indien”, elle devra, elle aussi, ouvrir ses chaînes de valeur.
L’obsession de la souveraineté aérienne
L’Indian Air Force n’a plus le luxe d’attendre. Les MiG-21 sont à bout de souffle. Les Rafale sont certes arrivés mais pour le moment en nombre limité. En face, la Chine muscle son aviation à grande vitesse. L’Inde a besoin d’un appareil qui puisse tenir la ligne dans les décennies à venir.
Mais sans devenir prisonnière d’un seul fournisseur. Le F-35 ? Trop verrouillé. Trop dépendant des choix américains. Le Rafale ? Performant, mais coûteux, et surtout… déjà bien intégré. Le Su-57 offre une alternative brute, à modeler, à négocier.
Le vrai combat, il est là. Dans les clauses du contrat. Quel accès au code source ? Quels modules seront produits en Inde ? Quelle liberté de modifier, d’adapter, de réexporter ?
Rafale, F-35, Su-57 : chacun sa promesse :
Critère | Su-57 (Russie) | F-35 (États-Unis) | Rafale (France) |
---|---|---|---|
Génération | 5e génération | 5e génération | 4.5e génération |
Furtivité | Partielle (profil avant) | Optimale (toutes faces) | Faible (optimisée capteurs) |
Vitesse max | Mach 2 | Mach 1,6 | Mach 1,8 |
Prix unitaire estimé | ≈ 70 millions d’euros | ≈ 90 à 100 millions d’euros | ≈ 80 millions d’euros |
Production locale | Envisagée (HAL Nashik) | Non | Non (assemblage partiel possible) |
Exportabilité future | Incertaine | Interdite sans feu vert US | Négociable |
En définitive, une alliance tactique pas un mariage d’amour
Ce projet indo-russe n’est pas un coup de cœur. C’est une alliance tactique. L’un a besoin de crédibilité industrielle à l’export. L’autre cherche une porte d’entrée vers la 5e génération sans perdre sa souveraineté.
Les deux se méfient, mais les deux ont besoin l’un de l’autre. Si l’accord se signe, ce sera moins une victoire technique qu’un geste politique fort : celui d’une Inde qui refuse d’être enfermée dans un camp, et d’une Russie qui continue, coûte que coûte, de vendre sa guerre technologique.
Ce ne sera ni simple, ni rapide mais c’est peut-être le retour du Felon… par la grande porte du Sud.
Source : https://www.indiatoday.in/india/story/su-57-fighter-jets-manufacturing-india-russia-assesses-investments-fifth-generation-aircraft-2780350-2025-09-01
Image : F-35 et Su-57 sur la Base aérienne de Yelahanka lors de Aero India en 2025.