Conçu pour chasser les monstres russes dans l’Arctique, le Seawolf était le chasseur ultime des profondeurs. Sa mise à mort prématurée reste une erreur stratégique majeure.
Le Seawolf était plus rapide, plus furtif, plus armé que tout ce qui a jamais navigué sous la surface. Pourtant, sur 29 prévus, seuls 3 ont vu le jour. À peine né, ce monstre des abysses a été abandonné, victime d’un excès de confiance post-Guerre froide. Aujourd’hui, alors que la Chine et la Russie se réarment sous les océans, les États-Unis regrettent amèrement ce choix.
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Un prédateur né pour dominer les abysses
Pensé dans les années 1980, le Seawolf devait répondre à une menace : les nouveaux sous-marins soviétiques, de classe Akula et Sierra, devenus étrangement silencieux. Pour la première fois, l’US Navy craignait d’être entendue avant d’entendre. Il fallait un monstre capable de plonger plus profondément, de se déplacer plus vite, et de tuer sans jamais être repéré. Ainsi est né le programme SSN-21, surnommé Seawolf : un chasseur de chasseurs, conçu pour chasser l’ennemi jusque sous la banquise arctique.
Une prouesse technologique hors normes
Construit en acier HY-100, le Seawolf pouvait plonger plus bas que tous ses prédécesseurs. Son réacteur S6W lui donnait une vitesse de plus de 65 km/h en silence complet. Chaque système à bord était monté sur des plateformes anti-vibrations, rendant le navire plus silencieux à pleine vitesse qu’un Los Angeles à quai. Il disposait de 8 tubes lance-torpilles de 660 mm, capables de lancer jusqu’à 50 armes, dont des torpilles lourdes et des missiles Tomahawk. À lui seul, il valait une flotte entière.
Le mur de Berlin a tué le monstre
En 1991, la chute de l’URSS a bouleversé tous les plans. Le Seawolf, prévu pour contrer une menace qui s’était évaporée, est devenu un luxe hors de prix. Avec un coût dépassant 3 milliards d’euros par unité (en valeur actuelle), l’administration Clinton décide d’en arrêter la production. Sur les 29 prévus, seuls trois exemplaires seront construits. Deux selon les plans initiaux, un troisième — l’USS Jimmy Carter — modifié pour les missions spéciales et d’espionnage. Le reste du projet est brutalement abandonné.
Une erreur stratégique qui revient hanter la Navy
Pendant 20 ans, les conflits ont eu lieu au sol, au Moyen-Orient, en Afghanistan. Les sous-marins comme le Seawolf semblaient inutiles. Mais aujourd’hui, face à une Chine réarmant à marche forcée et une Russie de retour dans les grands fonds, la demande en plateformes de domination sous-marine explose. Et avec seulement deux Seawolf prêts au combat, les États-Unis font face à un manque critique de moyens là où ils avaient conçu l’arme idéale.
Le Virginia, un bon compromis… mais pas une légende
Après le Seawolf, les États-Unis ont lancé le programme Virginia, moins coûteux, plus polyvalent, mais moins rapide, moins profond, moins furtif. Ces sous-marins sont d’excellents outils… pour des guerres moins exigeantes. Le problème : dans une crise avec la Chine, le besoin est clair. Il faut des unités capables d’entrer dans des zones ultra-contestées, de neutraliser les sous-marins ennemis et d’en sortir. Le Seawolf est taillé pour cette mission. Le Virginia non.
Un scénario de guerre qui tourne à la frustration
Imaginez une crise à Taïwan. La Chine déploie ses sous-marins pour créer une zone A2/AD — interdiction d’accès. Pour y entrer, il faut un sous-marin plus rapide, plus discret, plus performant. Le Seawolf est le seul à pouvoir survivre dans ce type de mission. Mais avec seulement deux unités disponibles, la couverture est insuffisante. Résultat : les États-Unis doivent envoyer un sous-marin moyen pour une mission où seul l’excellence compte. Une erreur évitable… s’ils avaient construit plus de Seawolf.
Une perte opérationnelle impossible à compenser
Caractéristique | Seawolf-Class | Virginia-Class |
Vitesse max silencieuse | ~65 km/h | ~50 km/h |
Profondeur max estimée | >600 m | ~490 m |
Charge utile | Jusqu’à 50 armes | Environ 38 armes |
Coût unitaire | 3,1 Mds € | 2,4 Mds € |
Années de production | 1991-2005 | 2000 – aujourd’hui |
Nombre d’unités produites | 3 | 22 (actifs en 2025) |
Source : NSJ