Moscou menace l’Azerbaïdjan, Bakou répond par les armes.
Dans un climat déjà tendu depuis le drame aérien de décembre 2024, les relations entre Moscou et Bakou franchissent un nouveau seuil de confrontation verbale et stratégique. Un général russe devenu député a prononcé des menaces à peine voilées, évoquant la possibilité d’une opération militaire à la frontière sud. L’Azerbaïdjan, loin de plier, affirme être prêt à répondre. Dans le Caucase, la guerre des mots s’accompagne désormais d’un inquiétant frémissement militaire…
Lire aussi :
- La Pologne dépasse la France, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni avec une armée de char historique dépassant l’imagination
- La Slovaquie veut envoyer un message clair à la Russie avec une grande première dans son histoire : un bataillon de chars d’assaut Leopard 2A
Une déclaration qui fait trembler tout le Caucase
Le 14 août 2025, le général à la retraite et député de la Douma Andreï Gourouliov a franchi une ligne. Ses propos, relayés par les médias russes, laissent peu de place au doute : l’Azerbaïdjan pourrait être la prochaine cible d’une « opération spéciale ». Le vocabulaire, rodé par l’invasion de l’Ukraine, réapparaît. Il ne s’agissait plus simplement de sanctions économiques ou de frictions diplomatiques, mais bien de l’ombre d’une action armée.
« Si les étals russes n’ont plus de produits azéris, rien ne changera pour nous. Pour eux, ce sera différent », a-t-il déclaré. Pire encore, le général évoque une pression sur les entreprises azéries en Russie, et ajoute froidement : « Une opération spéciale, c’est un concept élastique… sur toute la frontière de la Fédération de Russie. »
Ces propos, tenus en plein contexte post-soviétique, visent un pays dont les relations avec l’Ukraine et la Turquie ont irrité Moscou. L’affaire du vol civil abattu en décembre 2024 par les défenses russes, faisant 38 morts, avait déjà provoqué une rupture diplomatique grave. La tension ne redescend plus.
Une armée azérie qui n’a plus rien à voir avec celle de 1994
À Bakou, on ne s’affole pas. On se prépare. Fuad Şahbazov, analyste basé dans la capitale, résume la position du pays : « L’Azerbaïdjan est prêt à répondre à une pression militaire limitée. »
En chiffres, cela donne une force active de 128 000 soldats, appuyée par 300 000 réservistes, avec un arsenal renouvelé après les conflits du Haut-Karabakh. Le pays a investi massivement, avec des partenaires stratégiques comme la Turquie et Israël.
Capacités militaires actuelles de l’Azerbaïdjan :
Catégorie | Équipements |
---|---|
Drones | Bayraktar TB2, Hermes 450/900, SkyStriker |
Avions de combat | MiG-29, Su-25, JF-17 Block III (en commande) |
Artillerie & missiles | BM-30 Smerch, LORA, T-300 Kasirga |
Marine | Flotte côtière en mer Caspienne |
Partenaires majeurs | Turquie, Israël, Pakistan |
L’alliance avec Ankara a permis des transferts technologiques dans la fabrication de munitions et de drones. Israël, de son côté, a livré des systèmes de guidage, des capteurs optiques et de l’artillerie de précision. Une industrie de défense nationale commence à émerger.
La guerre hybride : l’arme préférée du Kremlin
Une attaque frontale reste peu probable. La Russie est déjà militairement embourbée en Ukraine, avec des pertes humaines et matérielles qui s’accumulent depuis février 2022. Un deuxième front dans le Caucase représenterait un risque considérable sur le plan diplomatique et stratégique.
En revanche, les tactiques hybrides :sabotage, cyberattaques, propagande, infiltrations, incidents frontaliers, sont envisagées par tous les analystes. La Russie les a déjà utilisées en Géorgie, au Kazakhstan ou en Moldavie.
Şahbazov précise : « Le plus grand risque pour l’Azerbaïdjan ne réside pas dans une invasion classique, mais dans une pression combinée : politique, économique, médiatique. »
Des alliances solides mais des marges de manœuvre réduites
Bakou peut compter sur ses alliés, mais la prudence reste de mise. L’OTAN n’a aucun engagement formel envers l’Azerbaïdjan. La Turquie, bien qu’alliée militaire, devra jongler avec ses propres intérêts régionaux. Quant à Israël, il se concentre sur l’Iran et n’interviendra pas militairement.
La vraie force de l’Azerbaïdjan réside dans sa résilience interne :
- Une population mobilisable
- Des infrastructures modernes
- Une économie énergétiquement autonome
- Un soutien discret mais réel de certains partenaires occidentaux
Une fracture post-soviétique de plus en plus visible
Le Caucase n’est plus le glacis soviétique d’autrefois. L’Arménie se rapproche de l’Europe. La Géorgie regarde vers l’OTAN. Et l’Azerbaïdjan, longtemps neutre, s’éloigne de Moscou tout en renforçant ses liens avec Kiev. Ce mouvement tectonique provoque des réactions violentes à Moscou, comme celle du général Gourouliov.
Ce dernier ne représente pas une voix isolée. Il incarne une vision impériale encore très présente dans les cercles militaires russes. Une vision qui refuse toute perte d’influence sur l’ancienne périphérie soviétique.
Un pays prêt à tenir, mais sous haute tension
L’Azerbaïdjan n’est pas l’Ukraine. Ni par sa taille, ni par sa position stratégique. Mais Bakou partage un point commun avec Kyiv : celui d’avoir pris ses distances avec Moscou sans renier ses ambitions de souveraineté. Et ce choix pourrait désormais lui coûter cher.
Pour l’heure, le ciel du Caucase reste calme. Mais chaque déclaration, chaque mouvement de troupe, chaque incident de frontière pourrait faire basculer la région. La Russie a montré qu’elle ne prévient pas toujours avant de frapper. L’Azerbaïdjan, lui, entend ne plus jamais être pris par surprise.
Dispositif militaire russe dans le Caucase en 2025
Unité / Base | Localisation | Effectifs estimés | Matériels | Remarques |
---|---|---|---|---|
102e base militaire russe | Gyumri, Arménie | ≈ 3 500 soldats | T-72B3, BMP-2, S-300, MiG-29 | Base clé sous pression politique ; coopération avec Erevan affaiblie |
49e Armée combinée | District militaire Sud (Krasnodar, Tchétchénie) | ≈ 15 000 | Chars, artillerie, unités de génie | Ressources amoindries par redéploiements en Ukraine |
Garde-frontières (FSB) | Daghestan, Ossétie du Nord | ≈ 4 000 | Blindés légers, drones d’observation | Mobilisés en cas d’incidents frontaliers localisés |
46e brigade Spetsnaz | Grozny, Tchétchénie | 1 500 à 2 000 | Armes légères, drones, équipements de reconnaissance | Forces spéciales utilisées pour opérations hybrides ou sabotage |
Cyber-commandement régional (non déclaré) | Rostov-sur-le-Don (hypothèse) | Inconnu | Capacités cyber, guerre électronique | Susceptible de mener des campagnes de désinformation et de perturbation |
Interprétation stratégique :
• La base de Gyumri en Arménie, historiquement importante pour la projection russe dans le Caucase, perd de sa valeur stratégique, l’Arménie se rapprochant de plus en plus de l’Occident.
• Les unités déployées dans le District militaire Sud sont épuisées par l’effort de guerre en Ukraine, rendant un redéploiement massif vers l’Azerbaïdjan politiquement risqué et militairement limité.
• La capacité de nuisance asymétrique (Spetsnaz, guerre hybride, cyber) reste néanmoins un outil opérationnel puissant, et probablement le plus réaliste dans une stratégie de harcèlement.
Source : https://aze.media/from-resistance-to-acceptance-of-new-realities-moscow-and-tehran-adapt-to-changing-conditions
Image : Un Su-25 de l’armée de l’air Azerbaidjanaise