L’Inde accuse l’Occident de jouer double jeu et refuse de plier.
Le ton est monté à New Delhi. Ce lundi 4 août 2025, l’Inde a laissé tomber les pincettes. Depuis des mois, Washington et Bruxelles grondent à propos de ses achats massifs de pétrole russe. Cette fois, la diplomatie indienne a répondu sans détour. Dans un communiqué incisif, elle dénonce des critiques « déraisonnables » et pointe un « deux poids, deux mesures » flagrant. En clair : l’Inde refuse d’être le bouc émissaire d’un Occident qui, lui aussi, commerce avec Moscou quand cela l’arrange.
Derrière cette prise de position, un fond de colère. Et une certitude : dans cette nouvelle guerre des nerfs énergétique, l’Inde entend tracer sa propre route.
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L’Inde n’a pas aimé la dernière sortie de Trump et le fait savoir
Tout est parti d’un message publié par Donald Trump, sur sa plateforme Truth Social. L’ancien président, redevenu locataire de la Maison Blanche depuis janvier, y accuse l’Inde d’acheter « de grandes quantités de pétrole russe » tout en se moquant, selon lui, « du nombre de morts en Ukraine ». Une phrase qui a fait bondir la diplomatie indienne.
Le pays achète du brut russe, oui. En grande quantité, c’est vrai. Mais pas par désinvolture. Plutôt par nécessité, explique Randhir Jaiswal, porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères. Le pétrole russe est moins cher, il permet de contenir l’inflation intérieure, et les autres fournisseurs se sont évaporés dès le début de la guerre. « Nos partenaires traditionnels ont vendu leurs cargaisons à l’Europe, attirés par les prix plus élevés », résume-t-il.
Quand l’Occident soufflait le chaud… et maintenant le froid
Le point qui agace le plus à New Delhi, c’est la mémoire courte de ses interlocuteurs. Car en 2022, c’est bien Washington qui avait incité l’Inde à acheter du pétrole russe, pour éviter une flambée des cours mondiaux. Aujourd’hui, les mêmes États-Unis menacent d’imposer des surtaxes douanières aux produits indiens.
« On nous reproche des choix que l’on nous a poussés à faire », souffle un diplomate indien, visiblement amer. Et l’Union européenne n’est pas en reste. Elle aussi sermonne, tout en continuant de recevoir des cargaisons de produits russes via des détours plus ou moins opaques.
Le pétrole, mais pas que
L’Inde va plus loin. Dans son communiqué, elle égrène une liste précise de produits que l’Europe et les États-Unis importent encore de Russie. De l’hexafluorure d’uranium pour les centrales nucléaires américaines. Du palladium pour les batteries de voitures électriques. Des engrais. De l’acier. Des produits chimiques. Des machines.
« Ce ne sont pas des besoins vitaux. Nous, nous achetons pour faire rouler notre pays. Eux, pour faire tourner leur commerce », tacle un conseiller du ministère.
Voici un résumé des produits encore échangés, malgré les sanctions :
Produit importé de Russie | Pays occidental concerné |
---|---|
Uranium enrichi | États-Unis |
Palladium | États-Unis |
Engrais minéraux | France, Allemagne |
Produits chimiques industriels | Pays-Bas, Belgique |
Composants métalliques | Italie, Autriche |
Le poids du réalisme
À New Delhi, on assume ce pragmatisme. Le pays est peuplé de 1,4 milliard d’habitants. Sa croissance repose en partie sur des prix de l’énergie accessibles. L’importation de pétrole russe, à des tarifs défiant toute concurrence, permet de stabiliser les transports, l’agriculture, et l’industrie.
Et ce, sans violer les règles. L’Inde n’est pas signataire des sanctions imposées par l’Occident. Elle n’est liée ni par l’OTAN ni par l’Union européenne. Elle revendique son autonomie stratégique, et ne compte pas s’en excuser.
« Nous ne prendrons pas de leçon de ceux qui changent de position en fonction de leurs intérêts du moment », résume une source gouvernementale.
Ce que Washington a à perdre
Menacer l’Inde pourrait bien être un jeu dangereux. Les États-Unis sont son premier partenaire commercial. En 2024, l’Inde a exporté pour 87,4 milliards de dollars de marchandises vers le marché américain. Y ajouter des barrières tarifaires reviendrait à fragiliser une alliance économique essentielle, dans un contexte déjà marqué par les tensions avec la Chine.
Du côté indien, l’idée d’un basculement vers des alliances énergétiques alternatives n’est pas exclue. Russie, Iran, pays du Golfe, voire coopération renforcée avec les BRICS… New Delhi a des options. Et ne cache plus sa lassitude face aux injonctions occidentales.
Un monde qui ne se laisse plus aligner
Ce bras de fer en dit long sur l’évolution des rapports Nord–Sud. L’Occident, autrefois hégémonique, ne peut plus imposer ses choix sans contestation. L’Inde, comme d’autres puissances intermédiaires, revendique le droit de composer ses propres équilibres, au gré de ses intérêts.
Ce qui se joue ici, ce n’est pas seulement du pétrole. C’est une nouvelle manière d’être au monde, où les grandes puissances émergentes entendent décider par elles-mêmes. Et où les anciennes superpuissances doivent apprendre à composer. Même quand ça grince.
Source : https://www.reuters.com/business/energy/india-maintain-russian-oil-imports-despite-trump-threats-government-sources-say-2025-08-02