New Delhi prépare un monstre d’acier qui pourrait redéfinir son rôle dans les océans. Avec 13 000 tonnes, le projet P-18 dépasse tout ce que l’Inde a déjà lancé et veut placer sa marine au niveau des grandes puissances mondiales.
Ce futur destroyer ne sera pas qu’un navire : c’est une déclaration d’intention. Conçu pour durer des décennies, il sera l’épine dorsale d’une flotte indienne modernisée et capable de tenir tête à Pékin. Plus grand qu’un immeuble de dix étages couché sur l’eau, il emportera 144 missiles prêts à frapper, des radars capables de surveiller à 500 km et des hélicoptères pour chasser les sous-marins.
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Un géant qui surclasse tout ce que l’Inde a connu
Le futur P-18 ne joue pas dans la même catégorie que les navires indiens actuels. Avec ses 13 000 tonnes, il rivalise directement avec les mastodontes chinois et américains. Pour donner une image claire : ce navire sera plus lourd que la Tour Eiffel (10 100 tonnes), symbole français de puissance et d’élégance. Autrement dit, l’Inde mettra à flot un bâtiment dont le poids dépasse celui du monument le plus emblématique du monde, un contraste saisissant qui illustre sa volonté de changer de dimension.
Une puissance de feu colossale
Ce géant ne se contentera pas d’impressionner par sa taille. Il sera un arsenal flottant. Avec ses 144 silos verticaux, il pourra tirer des missiles de toutes sortes :
- Les BrahMos supersoniques pour frapper vite et fort.
- Les LR-LACM pour attaquer loin à terre.
- Les SMART, capables de larguer une torpille via missile pour couler un sous-marin.
- Les VL-SRSAM pour se protéger contre les avions et drones.
- Et peut-être le futur BrahMos-2 hypersonique, encore plus rapide que le son.
En clair, il aura la capacité de saturer un adversaire et de protéger toute une flotte autour de lui.
Des yeux qui voient à 500 km
Pour exploiter cette puissance, le P-18 aura besoin d’une vision exceptionnelle. D’où l’intégration de radars AESA, capables de suivre simultanément des avions furtifs, des drones ou des missiles balistiques. Leur portée annoncée : 500 km. Cela signifie qu’un navire en mer d’Arabie pourrait suivre ce qui se passe… jusqu’aux côtes de l’Iran. Ces radars fonctionneront comme des yeux numériques, offrant une supériorité de détection indispensable dans les batailles modernes, où celui qui voit le premier gagne.
Standardiser pour mieux produire
L’un des gros défauts de l’industrie navale indienne, ce sont les séries trop courtes : trois navires d’un type, quatre d’un autre, et ainsi de suite. Chaque fois, il faut redessiner, réadapter, et cela prend 7 à 8 ans pour livrer un navire. Avec le P-18, l’idée est différente : construire 18 à 24 exemplaires identiques, sur une période de 20 à 30 ans. Comme l’a fait la Chine avec ses Type 052D, produits en série. Cela permet de réduire le temps de construction à 4 ou 5 ans, de former les équipages plus vite et de réduire le prix unitaire.
Une course contre la Chine
Le problème est simple : aujourd’hui, l’Inde compte 13 destroyers. La Chine en aligne 50, le Japon 42, les États-Unis 90 et plus. Si New Delhi veut tenir sa place dans l’océan Indien, elle doit accélérer. Avec le P-18, elle espère atteindre 170 à 175 navires d’ici 2035. Ce destroyer deviendra alors la pièce maîtresse de ses groupes aéronavals, autour des porte-avions INS Vikrant et INS Vikramaditya.
Tableau comparatif :
Pays | Nombre de destroyers | Tonnage moyen |
Inde (2035 projeté) | 18-24 P-18 + 13 actuels | 13 000 t |
Chine | 50 | 7 500 – 13 000 t |
Japon | 42 | 7 000 – 10 000 t |
États-Unis | 90+ | 9 000 – 15 600 t |
Un coût gigantesque mais stratégique
Un navire de cette taille et de cette complexité coûte cher : entre 1,1 et 1,8 milliard d’euros l’unité. Si l’Inde en construit 18, la facture dépassera les 20 milliards d’euros. Mais pour New Delhi, c’est le prix de l’indépendance stratégique. Le chantier Mazagon Dock à Mumbai et GRSE à Calcutta mèneront la construction. Avec 75 % de composants fabriqués localement, le projet s’inscrit dans la politique Atmanirbhar Bharat (“l’Inde autosuffisante”).
Un pari industriel et politique
Ce projet n’est pas seulement militaire. Il est aussi industriel et politique. En construisant ces géants d’acier, l’Inde crée des emplois, développe ses chantiers navals et prouve qu’elle peut rivaliser avec les plus grandes puissances. Mais ce pari n’est pas sans risque : il faudra tenir les délais, former des équipages qualifiés et financer en parallèle les sous-marins et les frégates dont la marine a aussi besoin.
Source : Auxiliary Force India (AFI)