Un nouveau test réussi confirme la montée en puissance de l’ASTER B1NT, un missile européen pensé pour contrer les avions furtifs, les missiles balistiques et les armes hypersoniques qui redessinent le champ de bataille.
L’Europe avance ses pions dans la guerre des missiles longue portée. Le tir d’essai réalisé fin juillet en France a prouvé la capacité de l’ASTER B1NT à intercepter des cibles à plus de 150 km, un pas majeur pour la défense antimissile. Ce missile, développé par MBDA et Thales dans le cadre du programme SAMP/T NG, s’impose comme la pièce centrale d’un dispositif capable de protéger les armées européennes contre les menaces russes et chinoises. L’OTAN en aura besoin, et vite.
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Une réussite technique qui change l’équilibre
Lors du dernier tir sur le site d’essais de la DGA, le missile ASTER B1NT a intercepté une cible simulant un missile à longue portée. Ce résultat confirme une portée de classe 150 km, doublée d’une altitude d’interception accrue. Concrètement, cela veut dire que ce missile peut abattre des menaces bien au-delà de l’horizon radar, avant même qu’elles n’atteignent une flotte ou un territoire. Avec une telle portée, il couvre l’équivalent de la distance entre Paris et Reims en un seul tir, un atout décisif pour défendre des infrastructures critiques.
Un projet commun européen
Ce programme n’est pas seulement français. Il est le fruit d’une coopération entre la France, l’Italie et le Royaume-Uni, coordonnée par l’OCCAR. MBDA et Thales, piliers de l’industrie européenne de l’armement, ont développé ce missile avec le soutien des agences de défense nationales. L’ASTER B1NT doit équiper à la fois les systèmes terrestres SAMP/T NG et les frégates de défense aérienne, renforçant ainsi la sécurité de plusieurs marines européennes. Cette intégration commune illustre une rare réussite en matière de coopération militaire européenne.
Des performances pensées pour l’ère hypersonique
L’ASTER B1NT est conçu pour intercepter des missiles balistiques de courte portée allant jusqu’à 1 500 km. Cela signifie qu’il peut neutraliser des armes capables de frapper à la vitesse de Mach 5 et plus, comme le Zircon russe, le Kinzhal ou le DF-21D chinois, surnommé le “tueur de porte-avions”. Pour y parvenir, il utilise un autodirecteur en bande Ka, plus précis que les générations précédentes. Cette technologie offre une résolution accrue pour distinguer un véritable missile des leurres déployés en vol, un atout vital face aux armes hypersoniques qui se déplacent à des vitesses supérieures à 6 000 km/h.
Les prochains déploiements prévus
La qualification réussie ouvre la voie aux livraisons du missile aux forces françaises et italiennes. Le calendrier prévisionnel s’annonce dense :
Étape | Date prévue | Acteur concerné |
Qualification longue portée | Juillet 2025 | DGA / Eurosam |
Début des livraisons terrestres | 2026 | Armée de l’Air et de l’Espace / Esercito Italiano |
Intégration navale sur frégates Horizon | 2027-2028 | Marine Nationale / Marina Militare |
Déploiement sur destroyers Type 45 | 2029 | Royal Navy |
À terme, ce missile remplacera progressivement les modèles précédents de la famille ASTER et apportera une capacité BMD (Ballistic Missile Defence) que l’Europe attendait depuis longtemps.
Une réponse aux échecs industriels
Ce programme n’arrive pas dans un vide. La France cherchait depuis plusieurs années à combler le retard pris dans la protection de ses bases et de ses bâtiments de surface. Les systèmes plus anciens montraient leurs limites face aux nouvelles armes russes. L’échec du programme de vedettes rapides VFM avec le chantier Ufast, placé en faillite en 2024, avait illustré la fragilité industrielle française. À l’inverse, la réussite de l’ASTER B1NT démontre que l’Europe peut encore livrer une arme crédible face aux défis de la guerre moderne.
Des navires modernisés pour accueillir la nouvelle génération
Les missiles seuls ne suffisent pas : encore faut-il les intégrer dans des plateformes capables de tirer parti de leurs performances. C’est l’objet du programme de modernisation à mi-vie des frégates Horizon mené par Naviris, joint-venture entre Naval Group et Fincantieri. Les navires recevront de nouveaux radars longue portée comme le SMART L MM de Thales, ainsi qu’un système de gestion de combat modernisé (SETIS côté français, Athena/SADOC Mk 4 côté italien). Ces améliorations permettront aux bâtiments d’employer pleinement la portée et la précision de l’ASTER B1NT, transformant ces frégates en véritables boucliers antimissiles flottants.
Une arme déjà éprouvée sur plusieurs théâtres
La famille ASTER n’est pas nouvelle. Plus de 250 tirs ont déjà été réalisés, dont une centaine en conditions réelles. En Ukraine comme en mer Rouge, les ASTER ont intercepté des drones et missiles en approche. Rien qu’en mer Rouge, la Marine Nationale en a tiré plus de 20 exemplaires pour protéger les navires contre les attaques venues du Yémen. Le B1NT s’inscrit donc dans une lignée éprouvée, mais franchit un seuil décisif en termes de portée, vitesse et précision.
Les enjeux stratégiques pour l’Europe
L’arrivée du B1NT intervient alors que la menace des missiles russes et chinois pèse directement sur l’OTAN. Avec une portée de 1 500 km, ce missile offre aux Européens une capacité qui manquait cruellement : protéger leurs territoires et leurs forces déployées contre des attaques balistiques. En renforçant à la fois les armées de l’air et les marines, ce programme offre une profondeur stratégique qui sera cruciale si la guerre en Ukraine s’intensifie ou si une crise éclate en mer de Chine.
Source : Direction Générale de l’Armement