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La Chine va faire taire le « cœur malade » de son aviation militaire avec une innovation qui va lui permettre de viser l’hégémonie dans les vols hypersoniques

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Guillaume Aigron

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La Chine a-t-elle percé le dernier secret des moteurs furtifs ? Le refroidissement qui pourrait tout changer. Une avancée métallurgique chinoise, méconnue du grand public, pourrait bouleverser l’avenir des moteurs …

La Chine a-t-elle percé le dernier secret des moteurs furtifs ? Le refroidissement qui pourrait tout changer.

Une avancée métallurgique chinoise, méconnue du grand public, pourrait bouleverser l’avenir des moteurs d’avions de chasse, jusqu’à ceux des appareils de sixième génération. Dans le sillage de cette course effrénée, une vieille obsession de Pékin pourrait trouver une issue : faire taire le « cœur malade » de son aviation militaire.

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C’est à Dalian, dans le nord-est de la Chine, que se joue une partie cruciale du bras de fer technologique entre grandes puissances. Là-bas, une équipe de métallurgistes a mis au point une méthode inédite pour refroidir des disques de turbines conçus en superalliage. Ces disques, invisibles pour le commun des mortels, sont pourtant essentiels : ils supportent les pales d’un moteur à réaction et transforment la chaleur du kérosène en puissance rotative.

Le principe mis en œuvre par les chercheurs consiste à projeter des jets d’eau à très grande vitesse pour refroidir le métal encore incandescent, à plus de 1 200 °C. Résultat ? Un refroidissement près de 3,75 fois plus rapide que les techniques classiques, et des grains de cristal quatre fois plus homogènes. Cette microstructure plus régulière est essentielle pour résister aux contraintes thermiques dévastatrices des nouveaux moteurs militaires.

Dans un essai documenté, un disque a été refroidi à un rythme de 673 °C par minute. Un chiffre inédit dans la recherche métallurgique chinoise, jusqu’ici freinée par des limites techniques qui ont ralenti son autonomie aéronautique.

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Le moteur, talon d’Achille du ciel chinois

La puissance d’un avion de chasse ne se limite pas à sa forme ou à ses armes. Elle réside aussi dans l’organe le plus discret et le plus exigeant de tous : son moteur. Or, depuis le lancement de son chasseur furtif J-20, la Chine se heurte à une douloureuse évidence. Elle ne maîtrise pas encore pleinement la fabrication de moteurs de classe mondiale.

Pendant plus d’une décennie, Pékin a dû se contenter du WS-10, un moteur fiable mais limité. Le WS-15, plus performant, a mis plus de dix ans à atteindre les essais en vol, embarqué seulement à l’été 2023 sur un prototype du J-20. Dans les cercles militaires chinois, ce retard a été surnommé « la maladie du cœur ».

Pour y remédier, l’État a désigné les technologies de propulsion comme priorité stratégique nationale. Et il semble que cette priorité porte ses fruits.

De la poudre aux turbines

La clef, c’est la matière. Ou plutôt, le matériau. Car pour résister aux températures infernales des moteurs de nouvelle génération – et encore plus des engins hypersoniques –, il faut des métaux capables de ne pas céder, de ne pas se fissurer, de ne pas se déformer.

Ces métaux, ce sont les superalliages. La Chine a récemment démontré qu’elle maîtrisait le DD6, un alliage haute température désormais utilisé dans le WS-15. Mais elle prépare déjà la suite. Le DD9, encore plus résistant, est en phase de développement. Et c’est précisément ce type d’alliage qui pourrait bénéficier des techniques de refroidissement mises au point à Dalian.

Ces progrès ne concernent pas uniquement les avions furtifs, mais également les futurs engins hypersoniques. Ces plateformes, capables d’atteindre Mach 5 ou plus (soit plus de 6 100 km/h), exigent des moteurs hybrides appelés TBCC (Turbine-Based Combined Cycle), capables de passer d’un mode turboréacteur à un superstatoréacteur en vol. À chaque transition, les contraintes thermiques sont telles que les matériaux les plus avancés deviennent indispensables.

Objectif : supériorité aérienne à Mach 5

Derrière cette course aux superalliages, c’est toute une doctrine militaire qui se dessine. La domination dans les airs ne se fera plus seulement à coup de missiles ou de furtivité radar. Elle passera par la capacité à soutenir des vols extrêmes, sur de longues distances, en conditions thermiques hostiles.

Les moteurs de sixième génération devront être capables d’assurer une poussée constante à des altitudes et des vitesses inédites, tout en restant discrets et fiables. Cela nécessite non seulement des alliages de nouvelle génération, mais aussi des procédés de fabrication inédits, comme le refroidissement à haute vitesse par brume dirigée.

Pékin compte bien transformer ces percées de laboratoire en productions industrielles. Si la technique de Dalian est adoptée à grande échelle, elle pourrait prolonger la durée de vie des disques de turbines, réduire les risques de panne moteur, et rendre plus abordable la fabrication de moteurs très poussés.

Une course discrète, un enjeu planétaire

Les États-Unis, la Russie et l’Union européenne ne sont pas restés inactifs. La recherche sur les superalliages progresse dans les centres de l’US Air Force, chez Rolls-Royce ou encore au CNRS. La différence ? La Chine semble désormais capable d’industrialiser rapidement ce qu’elle teste en laboratoire.

Le tableau suivant compare les principales puissances aéronautiques sur la maîtrise des moteurs de chasse :

Pays Motoriste principal Chasseurs de 5e/6e génération Moteurs nationaux récents
États-Unis Pratt & Whitney, GE F-22, F-35, NGAD F119, F135, XA100
Russie Saturn, Klimov Su-57 AL-41F1, Izd.30
Chine AVIC, AECC J-20, projet 6e gen WS-10, WS-15, DD6/DD9
France Safran Rafale (5e+ gen) M88, projet NGF

 

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Le silence d’un moteur, le bruit d’un changement d’époque

Aujourd’hui encore, aucun vol hypersonique chinois n’a été officiellement documenté. Aucun moteur de sixième génération n’a quitté l’ombre des hangars. Pourtant, les avancées de Dalian sont perçues par les analystes comme un changement de paradigme. Un signal que la Chine ne veut plus seulement copier, mais innover. Elle ne vise plus le rattrapage, mais la suprématie.

Rien ne garantit que ces innovations aboutiront à un moteur opérationnel avant 2030. Les défis restent immenses : fiabilité en vol, adaptation aux contraintes mécaniques, intégration dans une cellule furtive. Cependant, le simple fait que Pékin communique publiquement sur ces succès techniques, via ses journaux spécialisés, montre une volonté de démonstration, voire d’intimidation.

Le moteur d’un avion n’est pas qu’un objet technique. Il est le cœur battant d’une stratégie. Et dans la forge de Dalian, ce cœur-là commence à battre plus fort.

Source : South China Morning Post

Image : Défilé aérien du Chengdu J-20 lors de l’ouverture du salon Airshow China à Zhuhai

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