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Ce pays qui fait face à la Russie a décidé de s’armer jusqu’aux dents et veut devenir le pilier des blindés d’Europe avec une nouveau contrat de 5,6 milliards d’euros

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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Le retour du panthère noir : la Pologne mise sur un char coréen pour muscler l’Europe de la défense En pleine réorganisation du paysage militaire européen, la Pologne vient de …

Ce pays qui fait face à la Russie a décidé de s'armer jusqu'aux dents et veut devenir le pilier des blindés d'Europe avec une nouveau contrat de 5,6 milliards d’euros

Le retour du panthère noir : la Pologne mise sur un char coréen pour muscler l’Europe de la défense

En pleine réorganisation du paysage militaire européen, la Pologne vient de signer un contrat massif avec la Corée du Sud pour l’achat de nouveaux chars de combat K2. Une commande estimée à près de 5,6 milliards d’euros.
Ce geste, hautement politique et stratégique, entérine l’union improbable entre Varsovie et Séoul, dans un climat international tendu.
Derrière cette transaction hors norme, une ambition claire : faire de la Pologne le pilier blindé de l’Europe de l’Est.

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Il y a trois ans, personne ou presque n’aurait parié sur une coopération militaire de cette ampleur entre la Corée du Sud et la Pologne. Pourtant, le 2 juillet 2025, Varsovie a validé l’achat de 180 chars K2 Black Panther, soit l’équivalent exact du premier contrat signé en 2022.

L’accord est le fruit d’un long processus diplomatique piloté par l’agence sud-coréenne DAPA (Defense Acquisition Program Administration), en lien direct avec le ministère polonais de la défense. Le constructeur, Hyundai Rotem, a su convaincre avec un produit taillé pour l’interopérabilité OTAN.

Le prix de la transaction atteint 5,6 milliards d’euros, ce qui en fait la plus grosse vente à l’export jamais enregistrée par la Corée pour un seul système d’armement. La négociation a été ralentie par la situation politique chaotique en Corée, notamment après l’instauration temporaire de la loi martiale en décembre dernier. L’arrivée au pouvoir du nouveau président Lee Jae Myung a permis de débloquer les discussions.

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Une part de production en Europe de l’Est

L’accord n’est pas qu’une simple vente de matériel. Sur les 180 chars commandés, 63 seront assemblés en Pologne, dans le cadre d’un partenariat entre Hyundai Rotem et le conglomérat d’État PGZ (Polska Grupa Zbrojeniowa). Une stratégie assumée qui vise à rapatrier une partie de la production sur le sol européen.

Ce montage industriel s’inscrit dans la logique du plan « ReArm Europe » de l’Union européenne, qui pousse à une relocalisation de la fabrication de matériel militaire. La Pologne, en pleine transformation de son appareil de défense, se positionne donc comme une tête de pont pour la diffusion des technologies coréennes à travers l’Europe.

Le contrat prévoit également :

  • Un transfert de technologie sur certains composants électroniques ;
  • Un soutien complet en maintenance et réparation (MRO) ;
  • L’intégration de nouvelles configurations spécifiques à l’armée polonaise.

L’objectif est clair : créer une base industrielle capable d’assurer une autonomie stratégique croissante tout en restant arrimée aux standards OTAN.

Un char de nouvelle génération qui intrigue

Développé dans les années 2000, le K2 Black Panther a été pensé pour répondre aux spécificités du théâtre coréen, il est réputé pour sa mobilité élevée, son blindage composite de dernière génération, et sa capacité de tir tout terrain grâce à son système de conduite de tir numérique.

Caractéristiques principales du K2 :

Caractéristique Valeur
Poids Environ 55 tonnes
Longueur (hors canon) 7,5 mètres
Armement principal Canon lisse de 120 mm
Motorisation Diesel 1 500 chevaux
Vitesse maximale 70 km/h sur route
Autonomie 450 km

À ces performances s’ajoute une architecture pensée pour intégrer des modules de protection active, des capteurs infrarouge et un système de tir automatisé capable de suivre plusieurs cibles simultanément.

Le K2 a déjà été testé par l’armée polonaise dans des conditions climatiques extrêmes. Il a démontré une capacité à opérer dans la boue, le froid et les environnements urbains, là où certains blindés occidentaux montrent leurs limites.

Une ambition industrielle sud-coréenne assumée

Depuis son arrivée au pouvoir, le président sud-coréen Lee Jae Myung a affiché sa volonté de faire de l’industrie de défense un levier de croissance économique. Il a même déclaré vouloir présider personnellement les réunions stratégiques d’exportation de matériel militaire.

Le contrat polonais entre dans cette dynamique. D’autres marchés sont visés : les pays baltes, la Roumanie, voire certains partenaires africains ou sud-américains. La Corée entend s’imposer comme une alternative crédible aux géants américains ou allemands du secteur.

Déjà en 2022, Varsovie avait commandé pour près de 20 milliards d’euros d’équipements à Séoul :

  • 180 chars K2
  • 212 obusiers automoteurs K9 Thunder
  • 48 avions d’entraînement et d’attaque FA-50
  • Chunmoo : un système de lance-roquettes multiple

Cette stratégie d’approvisionnement asiatique, inédite pour un pays membre de l’OTAN, reflète une volonté de diversification mais aussi une critique implicite de la lenteur des processus européens d’armement.

Une Pologne qui trace sa propre route

Varsovie cherche à se doter d’une armée capable de répondre seule aux menaces venues de l’Est. Depuis le début de la guerre en Ukraine, le gouvernement polonais a renforcé ses dépenses militaires pour atteindre près de 4 % de son PIB, soit plus de 27 milliards d’euros en 2025.

Ce niveau de dépense place la Pologne parmi les trois pays européens les plus engagés financièrement dans la modernisation de leurs forces armées, aux côtés de la France et du Royaume-Uni.

Classement des plus grandes armées européennes en 2025 (effectifs actifs) :

Pays Effectifs militaires
Russie (hors UE) 830 000
Turquie 425 000
France 205 000
Pologne 180 000
Allemagne 182 000
Italie 175 000

La stratégie polonaise repose sur trois piliers : dissuasion terrestre, autonomie industrielle, et capacité de projection rapide. Le contrat coréen s’insère parfaitement dans cette logique.

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L’Europe à la croisée des blindés

Le choix de la Pologne de s’équiper hors des standards industriels européens pose une question plus large : quelle place pour l’Europe de la défense dans la prochaine décennie ?

Alors que le projet de char franco-allemand MGCS prend du retard, que les livraisons de Leopard 2 sont sous tension, et que la guerre en Ukraine absorbe les stocks, Varsovie a tranché. Elle ne veut plus attendre. Elle veut du matériel maintenant, éprouvé, disponible, adaptable.

Cette logique de « défense agile » pourrait séduire d’autres États membres. D’autant que la fabrication partielle des K2 en Pologne pourrait, à terme, permettre des commandes mutualisées à l’échelle européenne, selon des modalités encore à définir.

Dans cette recomposition silencieuse du paysage blindé, un acteur inattendu tire son épingle du jeu : la Corée du Sud. La Pologne, en la choisissant, redessine une partie de la carte stratégique du continent.

Image : Hyundai Rotem K2 Panther

Source : https://www.gov.pl/web/obrona-narodowa/wkrotce-kolejna-umowa-wykonawcza-na-czolgi-k2-wraz-z-wozami-towarzyszacymi

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