Des robots français traquent sous l’eau : ces “gliders” qui fascinent l’OTAN dans la Baltique.
C’est un ballet silencieux qui se joue loin des côtes, sous les flots gris et froids de la mer Baltique. Aucun bruit de moteur, pas de coque à l’horizon. Pourtant, cinq engins français glissent sous la surface, sans pilote, bardés de capteurs et d’intelligence embarquée. Leur mission ? Observer, écouter, transmettre. Bienvenue dans l’exercice militaire le plus stratégique du moment !
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Une discrète démonstration de force de la France dans la mer Baltique
Depuis le mois de juin 2025, un exercice militaire d’un genre nouveau a lieu dans les eaux baltiques. Coordonné par l’Allied Command Transformation (ACT) de l’OTAN, le dispositif baptisé Task Force X Baltic (TFXB) regroupe une série d’engins sans équipage, aériens, de surface, sous-marins, mis à l’épreuve dans un environnement proche du réel. L’objectif ? Évaluer les performances de ces systèmes autonomes, leur capacité à coopérer et leur valeur tactique en zone contestée.
Parmi les protagonistes, un acteur français attire discrètement l’attention : la société ALSEAMAR. Depuis son site de Rousset, dans les Bouches-du-Rhône, l’entreprise a déployé cinq gliders SEAEXPLORER, des planeurs sous-marins à la pointe de la technologie. Ils opèrent aux côtés de drones de surface (USV), de drones sous-marins (UUV) et d’aéronefs sans pilote (UAV) dans un théâtre de manœuvre partagé.
Des planeurs autonomes conçus pour durer
Le SEAEXPLORER n’est pas un engin imposant. Environ 2 mètres de long pour une centaine de kilos, il n’a ni hélice ni moteur au sens classique du terme. Il avance par variation de sa flottabilité, tel un plongeur en apnée, remontant et descendant avec une grande économie d’énergie. Grâce à cette méthode, il peut rester plusieurs semaines en mer, couvrant de vastes zones à très faible coût logistique.
À bord, ALSEAMAR a intégré un module d’intelligence artificielle acoustique baptisé AURIS. Il s’agit d’une plateforme de traitement embarqué du signal, capable d’analyser en temps réel les sons sous-marins captés. Loin d’être un gadget, ce dispositif permet de détecter, classifier et transmettre uniquement les données pertinentes au poste de commandement, allégeant considérablement le flux de communication.
Une guerre silencieuse, mais connectée
Chaque SEAEXPLORER agit comme un éclaireur numérique, cartographiant l’espace sous-marin, écoutant le moindre bruit suspect, que ce soit une hélice de sous-marin ou un sonar actif. Grâce à l’AURIS, l’appareil ne se contente pas d’enregistrer : il comprend ce qu’il perçoit. Il trie, analyse, interprète et transmet, avec un temps de latence réduit à quelques minutes.
Cette capacité change la donne dans la guerre navale moderne. Alors que les océans deviennent un terrain de confrontation stratégique, disposer de capteurs autonomes, furtifs et intelligents permet de sécuriser des zones entières sans mobiliser de bâtiments lourds. La France et l’OTAN y voient un moyen de surveiller efficacement des passages stratégiques, notamment face à la montée en puissance des flottes russes ou chinoises.
Voici les spécificités du glider SEAEXPLORER résumées :
Caractéristique | Valeur |
---|---|
Longueur | Environ 2 mètres |
Autonomie | Plusieurs semaines |
Système de propulsion | Variation de flottabilité |
Charge utile | Capteurs acoustiques + IA AURIS |
Type de mission | Surveillance acoustique sous-marine |
Une entreprise discrète mais influente
ALSEAMAR n’est pas un nom familier du grand public. Et pourtant, cette PME fondée en 2015 et filiale du groupe ALCEN est l’un des leaders mondiaux dans la production de matériaux de flottabilité pour engins sous-marins. Elle est également à l’origine de plusieurs solutions dédiées aux forces spéciales, aux études scientifiques marines et aux communications radio sécurisées.
Le site de Rousset, dans le département des Bouches-du-Rhône, regroupe les activités de conception, fabrication et maintenance de ces systèmes sous-marins. Forte de son expertise dans l’acoustique et la miniaturisation, l’entreprise propose des outils taillés pour les besoins des marines modernes : furtivité, endurance, autonomie, résilience.
Elle intervient aussi bien dans le civil que le militaire. Océanographie, suivi environnemental, détection de pollution… Le SEAEXPLORER s’adapte à plusieurs environnements. C’est ce savoir-faire dual qui séduit les institutions, y compris celles de l’OTAN.
L’intelligence artificielle embarquée : la vraie nouveauté
Ce qui distingue l’exercice TFXB des précédentes démonstrations de drones navals, c’est l’intégration de capacités d’IA embarquée. Jusqu’à récemment, les données recueillies par les drones sous-marins devaient être remontées à terre, puis analysées à posteriori. Avec AURIS, le traitement se fait à bord, en temps réel.
Voici ce que permet la plateforme AURIS :
- Analyse acoustique instantanée
- Filtrage des données inutiles
- Détection automatique de signatures sonores
- Transmission rapide des informations qualifiées
Cette autonomie dans le traitement permet de réagir plus vite, de modifier une mission en cours, ou d’éviter la surcharge de données sur les réseaux. En zone de guerre électronique, cette capacité de tri devient même un impératif.
Une vitrine de la coopération franco-otanienne
La participation d’ALSEAMAR à l’exercice TFXB n’est pas anodine. Elle démontre la place croissante de la France dans l’innovation militaire européenne, mais aussi sa volonté d’intégrer ses technologies au sein des forces alliées. En testant ses planeurs aux côtés de systèmes américains, britanniques ou allemands, la PME s’assure que ses produits sont compatibles avec les normes de l’OTAN.
Ce type d’exercice permet également d’envisager de futurs marchés à l’export. Les enjeux sont clairs : d’ici 2030, les marines occidentales veulent réduire leurs coûts d’exploitation tout en élargissant leurs capacités de surveillance. Des solutions comme SEAEXPLORER répondent à ce besoin, sans embarquer d’équipage, sans infrastructure lourde, et avec une efficacité démontrée.
Quelques équivalents du SEAEXPLORER :
Nom du planeur | Pays d’origine | Profondeur max. | Autonomie typique | Mode de propulsion | Applications principales | Particularités techniques |
SEAEXPLORER | France | 1000 m | Jusqu’à 125 jours/2700 km | Variation de flottabilité | Océanographie, défense, surveillance | Capteurs modulaires, IA embarquée, version militaire 1000-M |
Slocum Glider | USA | 1000 m | 30-90 jours | Variation de flottabilité | Océanographie, surveillance militaire | Premier glider commercialisé, très utilisé par la communauté scientifique |
Seaglider | USA | 1000 m | 9 mois | Variation de flottabilité | Océanographie, surveillance militaire | Grande autonomie, faible consommation, ailes allongées |
Spray Glider | USA | 1500 m | 6-12 mois | Variation de flottabilité | Océanographie | Robuste, utilisé pour de longues missions océaniques |
Wave Glider | USA | Surface | Plusieurs mois | Énergie des vagues et solaire | Surveillance, mesures de surface | Utilise l’énergie des vagues, reste en surface ou subsurface |
Remarques:
- Tous ces planeurs sont autonomes, silencieux, et propulsés par variation de flottabilité, ce qui leur permet de parcourir de longues distances en suivant des trajectoires en « dents de scie » dans la colonne d’eau.
- Ils peuvent embarquer différents capteurs (physiques, chimiques, biologiques, acoustiques) selon la mission.
- Le SEAEXPLORER se distingue par sa conception française, son intégration de modules d’intelligence artificielle et sa version militaire récente, utilisée notamment par la Marine nationale française.
- Les modèles américains (Slocum, Seaglider, Spray) sont les références mondiales historiques et sont largement utilisés pour la recherche et la surveillance environnementale.
- Ce tableau permet de situer le SEAEXPLORER parmi les autres planeurs autonomes majeurs actuellement en service dans le monde.
Source : Communiqué de presse d’ALSEAMAR