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Ce pays refuse de laisser la Baltique devenir l’arrière-cour de la Russie et lance un navire high-tech de 3000 tonnes dédié à la surveillance renforcée

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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la Pologne lance un navire secret pour écouter la Baltique. Ce 1er juillet 2025, à Gdańsk, un navire blanc, sans canon ni missile, mais bourré de capteurs, touche l’eau pour …

Ce pays refuse de laisser la Baltique devenir l'arrière-cour de la Russie et lance un navire high-tech de 3000 tonnes dédié à la surveillance renforcée

la Pologne lance un navire secret pour écouter la Baltique.

Ce 1er juillet 2025, à Gdańsk, un navire blanc, sans canon ni missile, mais bourré de capteurs, touche l’eau pour la première fois. Il s’appelle ORP Jerzy Różycki. Il n’est pas fait pour combattre, mais pour écouter. Derrière cette mise à l’eau sans tambour ni trompette, c’est tout un pan de la stratégie navale polonaise qui bascule dans le XXIᵉ siècle.

Loin des démonstrations de force, la Pologne modernise ses outils d’écoute, dans une mer Baltique saturée de tensions et d’activités militaires. Voici le récit d’un programme qui, sous couvert de modernisation, déploie des oreilles là où les autres regardent.

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Une coque, quatre moteurs et un cerveau électronique pour l’ORP Jerzy Różycki

L’ORP Jerzy Różycki mesure 74 mètres, déplace 3 000 tonnes et est propulsé par quatre générateurs diesel de 990 kW chacun, couplés à des propulseurs azimutaux. Pas d’armement apparent, pas de tourelle. : tout est concentré dans ses entrailles. C’est là que Saab, partenaire suédois de Varsovie, installe les systèmes de renseignement électronique.

Ces équipements couvriront tout le spectre électromagnétique : signaux radar, communications radio, émissions satellites, signatures acoustiques sous-marines… Ils permettront aussi de localiser la source de ces signaux, d’enregistrer, d’analyser, de transmettre.

L’objectif ? Scruter les ports russes, écouter les mouvements discrets de Kaliningrad, surveiller les fonds marins ou observer les transmissions des navires de l’OTAN eux-mêmes.

La Russie ne voit pas d’un bon œil ce navire français qui vient de se glisser dans les eaux de la mer Baltique et qui pourrait mettre fin à sa « flotte fantôme »

Une filiation suédoise au service de la mer Baltique

La conception du navire reprend les bases du HMS Artemis, un bâtiment suédois lancé en 2024. Cette unité de référence a été conçue par MMC Ship Design, à Gdynia, et partiellement construite dans les mêmes chantiers que le Różycki. Elle partage plusieurs éléments techniques avec son cousin polonais :

  • Longueur : 74,6 mètres
  • Largeur : 14 mètres
  • Tirant d’eau : 3,8 mètres
  • Déplacement : 2 300 tonnes
  • Systèmes de propulsion : identiques (diesel-électrique)

La configuration polonaise adapte toutefois l’architecture à ses propres besoins. Le navire est prévu pour embarquer entre 35 et 40 marins, répartis sur 35 cabines. Deux propulseurs d’étrave permettent de maintenir la position au mètre près, une exigence indispensable lors de missions de veille discrète.

Une mémoire cryptologique dans un navire d’écoute

Pourquoi ce nom : Jerzy Różycki ? Parce que derrière l’acier, il y a une mémoire. Celle d’un mathématicien polonais ayant contribué, avec Marian Rejewski et Henryk Zygalski, au déchiffrage de la machine Enigma avant même le début de la Seconde Guerre mondiale. Ces héros oubliés du renseignement polonais sont désormais honorés en mer.

Le deuxième navire du programme portera d’ailleurs le nom de Henryk Zygalski et sera lancé d’ici 2026. Leurs numéros de coque, 261 et 264, réutilisent ceux de navires désormais retirés du service, ORP Kopernik et ORP Bałtyk, selon une tradition bien établie dans la marine polonaise.

Dans chaque navire, une médaille commémorative a été soudée à la quille lors de la cérémonie de pose, débutant en 2023 pour le premier et en 2024 pour le second.

Une flotte de capteurs pour un théâtre agité

Ces deux unités viendront remplacer les anciens ORP Nawigator (1975) et ORP Hydrograf (1976), qui n’ont plus grand-chose à offrir à l’heure du brouillage, des satellites, des sous-marins autonomes et des cyberattaques.

À terme, les navires du programme Delfin formeront l’épine dorsale du renseignement maritime polonais. Ils opéreront depuis la base navale de Gdynia, au sein de la 3ᵉ flottille, et participeront à des missions de surveillance au profit de l’OTAN.

Voici un résumé technique des deux navires d’écoute :

Navire Longueur (m) Déplacement (t) Année de lancement Fonction
ORP Jerzy Różycki 74 3 000 2025 Renseignement électronique
ORP Henryk Zygalski 74 3 000 2026 (prévu) Renseignement électronique

 

Une industrie maritime en pleine effervescence

Ce projet Delfin n’est qu’une pièce du vaste puzzle de modernisation navale polonaise. Dans les chantiers de Gdańsk et de Świnoujście, d’autres navires prennent forme : trois chasseurs de mines de la classe Kormoran II, les frégates multi-rôles Miecznik, et un navire de sauvetage en mer prévu pour 2029.

À l’heure actuelle, le remplacement du sous-marin ORP Orzeł (mis en service en 1986) reste en suspens. Des offres venues de Suède et d’Italie ont été transmises, mais aucun contrat n’a encore été signé.

Le programme Delfin, lui, est le premier à remplacer l’ensemble d’un segment de mission de la marine polonaise. Il implique aussi un important effort de formation pour constituer des équipages spécialisés, tout en assurant la continuité des opérations.

Le plus lourd navire de guerre français et ses 42 500 tonnes a l’air d’un nain comparé au roi des mers : l’USS Gerald R. Ford et ses 112 000 tonnes

Un contrat stratégique dans un contexte tendu

La valeur du contrat est estimée à environ 620 millions d’euros, pour deux unités livrées entièrement terminées, avec essais portuaires et maritimes effectués par Remontowa Shipbuilding. L’intégration des systèmes de mission sera assurée par Saab, qui a ouvert un bureau permanent à Gdańsk pour piloter les opérations industrielles.

Les sous-traitants incluent Teknotherm, responsable des systèmes de ventilation et de climatisation, et DNV, organisme de certification norvégien chargé de valider la construction.

Leur rôle dans le théâtre baltique est double : fournir une capacité de renseignement indépendante à la marine polonaise et participer au maillage d’écoute de l’OTAN dans une région où les manœuvres russes, les infrastructures critiques sous-marines et les tensions interétatiques nécessitent une surveillance continue.

Source :

Image : Le  navire suédois HSwMS Artemis qui partage la même base que l’ORP Jerzy Różycki

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