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La France remet l’Europe sur les rails de la conquête spatiale avec un projet de navette réutilisable portée par son champion : Dassault Aviation

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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VORTEX, le vaisseau secret de Dassault et l’Europe pour dompter l’orbite basse. C’est un pacte discret mais stratégique qui se dessine en Europe entre le géant français de l’aéronautique, Dassault …

La France remet l'Europe sur les rails de la conquête spatiale avec un projet de navette réutilisable portée par son champion : Dassault Aviation

VORTEX, le vaisseau secret de Dassault et l’Europe pour dompter l’orbite basse.

C’est un pacte discret mais stratégique qui se dessine en Europe entre le géant français de l’aéronautique, Dassault Aviation et l’Agence spatiale européenne (ESA) pour construire l’avenir des missions orbitales du vieux continent.
À la frontière entre avion et fusée, un prototype pourrait bientôt voir le jour : VORTEX.

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Le 21 juin 2025, une lettre d’intention a donc été signée entre l’Agence spatiale européenne (ESA) et Dassault Aviation dans un partenariat aux contours encore flous mais aux ambitions claires : reprendre pied dans l’espace habité et les véhicules réutilisables.

L’objectif est d’explorer des pistes communes autour de l’orbite terrestre basse, ou LEO (Low Earth Orbit), théâtre de la nouvelle guerre économique et technologique. Au cœur du projet : un concept baptisé VORTEX, pour Véhicule Orbital Réutilisable de Transport et d’Exploration.

Ce véhicule spatial, ni fusée ni avion dans sa forme finale, pourrait bientôt devenir le cheval de bataille de l’Europe pour le transport de fret, la recherche automatisée, voire le retour de charges utiles sur Terre.

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Une filiation technologique bien ancrée

Dassault n’arrive pas en terrain vierge. L’entreprise a laissé son empreinte sur Hermes, projet avorté de navette spatiale européenne dans les années 90, ainsi que sur le programme américain X-38, destiné à évacuer la Station spatiale internationale.

Elle a aussi participé à IXV (Intermediate eXperimental Vehicle), le démonstrateur de rentrée atmosphérique testé par l’ESA en 2015. Cette expertise cumulative lui donne une avance nette sur les autres industriels européens.

Projet Partenaire principal Objectif Statut
Hermes CNES / ESA Navette habitée européenne Abandonné
X-38 NASA / ESA / Dassault Véhicule de sauvetage pour l’ISS Arrêté en 2002
IXV ESA Démonstrateur de rentrée Testé en 2015
VORTEX Dassault Aviation Véhicule orbital réutilisable En développement

VORTEX se positionne comme une suite logique, mais cette fois-ci avec une volonté claire de produire un engin réutilisable, polyvalent et conçu dès l’origine pour s’intégrer dans un écosystème spatial commercial.

Un prototype suborbital à l’étude

Les deux partenaires envisagent de débuter par une version réduite du VORTEX, évoluant dans un environnement suborbital. Ce prototype servirait de banc d’essai technologique, pour valider la conception, les matériaux, les systèmes de rentrée et la charge utile.

Trois axes ont été retenus pour cette étape préliminaire :

  • Validation de technologies-clés (systèmes de guidage, structure thermique, électronique durcie)
  • Test de nouveaux matériaux capables de résister à des vitesses hypersoniques
  • Évaluation des capacités d’emport de charges dans une soute aménageable

Ces essais ouvriront la voie à une version plus grande et réellement orbitale, destinée à rejoindre ou desservir des stations en orbite basse.

Une alliance à fort poids symbolique

Ce rapprochement intervient au moment où l’Europe tente de reprendre la main dans l’espace, après avoir perdu l’accès autonome à l’orbite suite à l’arrêt d’Ariane 5 et aux retards d’Ariane 6. Le choix de Dassault, industriel civil et militaire, marque une volonté de croiser les univers de l’aéronautique et du spatial.

Du côté de l’ESA, le programme Explore2040 fixe un cap clair : atteindre à terme la Lune et Mars, mais aussi consolider les allers-retours en orbite basse. Pour atteindre cet objectif il sera nécessaire de développer des systèmes européens de rentrée atmosphérique, et surtout ne plus dépendre des infrastructures américaines.

Le partenariat avec Dassault offre une porte d’entrée pragmatique : un véhicule modulaire, adaptable, et pensé dès l’origine pour les usages commerciaux comme institutionnels.

Des retombées pour la filière industrielle

L’accord pourrait également dynamiser la chaîne de valeur spatiale en Europe. L’ESA et Dassault ont souligné l’importance d’échanger des données, mutualiser des études, et répartir les rôles dans de futures activités communes.

Ce type de collaboration pourrait faire émerger un réseau d’acteurs industriels, spécialisés dans :

  • Les boucliers thermiques
  • La propulsion aérobie réutilisable
  • Les matériaux composites à haute résistance
  • L’intégration de capteurs embarqués

L’objectif affiché est ainsi double : réduire les risques techniques et renforcer la souveraineté européenne. En cas de succès, l’Europe disposerait enfin de son propre système de transport spatial autonome, capable de rivaliser avec les capsules Dragon (SpaceX) ou Tianzhou (Chine).

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Un enjeu politique aussi bien que technologique

Ce projet s’inscrit dans une logique de compétition géopolitique, où l’espace (re)devient un théâtre stratégique majeur.

Le contrôle de l’orbite basse n’est pas seulement une affaire de science ou d’industrie : il conditionne l’accès aux données, la sécurité des télécommunications, la surveillance, et la projection de puissance.

En soutenant VORTEX, l’ESA et Dassault tentent de reprendre la main sur un segment clef de la compétition mondiale. Un signal fort envoyé aux États-Unis, à la Chine, et à tous les autres acteurs en course vers les orbites commerciales.

Sources : Déclarations officielles ESA et Dassault Aviation, documentation publique Explore2040, rétrospectives IXV, Hermes et X-38, rapport économique 2024 de Dassault Aviation.

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