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Pourquoi il est essentiel que l’armée française conserve ses positions stratégiques autour du golf persique

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Guillaume Aigron

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Golfe persique : pourquoi l’armée française ne décroche pas… et ce que ça dit vraiment de sa stratégie. Deux drapeaux, un désert, une mer chaude. Derrière les images officielles de …

Pourquoi il est essentiel que l'armée française conserve ses positions stratégiques autour du golf persique

Golfe persique : pourquoi l’armée française ne décroche pas… et ce que ça dit vraiment de sa stratégie.

Deux drapeaux, un désert, une mer chaude. Derrière les images officielles de soldats à la parade et de Mirage au décollage, une mécanique discrète mais essentielle : la France maintient depuis des décennies une présence militaire dense entre la péninsule Arabique et la Corne de l’Afrique. Une ligne de front invisible, au cœur d’une stratégie d’influence rarement expliquée.

Bases, accords, opérations : tout semble en place, comme une toile tendue entre Djibouti et Abu Dhabi. En y regardant de plus près, ce n’est pas un héritage, mais un choix politique clair. Un pari sur le long terme dans une région bouillonnante.

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Il ne s’agit pas d’une simple présence symbolique. Paris a inscrit le Proche et le Moyen-Orient dans sa cartographie militaire comme une zone d’action prioritaire, en lien direct avec ses intérêts énergétiques, sa diplomatie régionale et sa posture de défense globale.

Du détroit d’Ormuz aux côtes somaliennes, un même arc se dessine : sécurité des flux maritimes, lutte contre le terrorisme djihadiste, appui aux régimes amis, anticipation des crises africaines. Ce théâtre est quadrillé par des accords bilatéraux anciens, comme celui signé avec Djibouti en 1977, ou plus récent, comme celui des Émirats arabes unis de 2007, suivi de la mise en place d’une base interarmées en 2009.

La logique est simple : disposer de postes avancés réactifs à proximité de zones sensibles – Sahel, mer Rouge, Irak, Yémen – tout en ancrant la présence française dans un espace stratégique disputé.

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Abu Dhabi, le joyau discret de la stratégie française

Dans l’écrin d’acier et de béton d’Abu Dhabi, la France a installé l’un de ses plus efficaces leviers d’action régionale. Une base interarmées composée de trois piliers :

  • Base navale Mina Zayed : accueil des bâtiments de la Marine nationale.
  • Base aérienne Al Dhafra : point de départ de missions de reconnaissance et d’appui.
  • Camp interarmées Zayed Military City : lieu de formation, logistique et coordination.

Ce dispositif accueille environ 700 militaires français. Il offre une plateforme pour les opérations extérieures, comme Chammal (lutte contre Daech), des entraînements spécifiques (milieux désertiques ou urbains), et un point d’appui logistique pour les forces déployées dans la zone.

Capacité opérationnelle depuis Abu Dhabi :

  • Soutien aérien tactique.
  • Prépositionnement naval en mer d’Oman.
  • Partenariats avec les forces américaines, britanniques et émiriennes.
  • Appui à la diplomatie régionale par la défense.

Djibouti : la base la plus ancienne, et la plus surveillée

À 2 800 kilomètres plus à l’ouest, sur la côte est-africaine, Djibouti incarne l’héritage colonial devenu avant-poste vital. Depuis 1932, la France y est présente de manière continue. Aujourd’hui, les Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj) forment la plus importante implantation militaire française hors métropole.

Composition des FFDj :

Composante Effectif / Matériel
Base aérienne 188 CN-235, hélicoptères Puma, chasseurs Mirage (en rotation)
Base navale Navires de passage, coordination maritime
Régiment interarmées (RIAOM) Environ 1 450 militaires au total

Leur rôle va bien au-delà du territoire djiboutien. Ils assurent :

  • Le contrôle du détroit de Bab el-Mandeb, clé de passage du trafic maritime entre mer Rouge et océan Indien.
  • La lutte contre la piraterie, via l’opération Atalante.
  • La réponse rapide aux crises africaines, comme au Yémen (Sagittaire), au Sahel (Barkhane), ou en Centrafrique (Sangaris).

Une zone sous pression géopolitique

Ce déploiement ne se fait pas dans un vide stratégique. Depuis dix ans, Djibouti est devenu l’épicentre d’un ballet militaire international. Les grandes puissances se bousculent :

  • États-Unis : base de Camp Lemonnier.
  • Chine : installation militaire à proximité du port.
  • Japon, Italie, Allemagne : présence sécuritaire croissante.

Face à cette concurrence, la France a dû adapter sa posture, moderniser ses infrastructures, renforcer la coopération avec ses homologues régionaux, et étendre sa logique de projection vers l’Indopacifique.

L’équation est délicate : rester indispensable sans être omniprésente, affirmer une autonomie stratégique tout en coordonnant ses moyens avec ceux de l’OTAN.

Une diplomatie par la présence

À travers ces bases, la France déploie une diplomatie de la puissance maîtrisée. Elle affirme sa capacité à intervenir vite, à dialoguer avec des régimes-clés, à garantir la sécurité des flux pétroliers et commerciaux, et à tenir son rang dans un jeu d’alliances complexes.

Cette présence a aussi une fonction intérieure : elle soutient les exportations d’armement, donne du sens à la politique étrangère, et offre des débouchés opérationnels permanents à ses forces armées. C’est une forme d’“outil souple” de la politique extérieure.

La base d’Abu Dhabi, par exemple, est autant un levier militaire qu’un signal envoyé aux États du Golfe : la France n’est pas neutre, elle s’engage, elle est prête.

Une projection militaire, mais pas seulement

Ces installations ne sont pas figées. Elles servent de laboratoire d’adaptation militaire, avec de nombreux exercices conjoints, l’expérimentation de matériels en conditions réelles, et l’optimisation des chaînes logistiques.

Enjeux identifiés pour 2025‑2030 :

  • Mutualisation des moyens entre bases.
  • Intégration de drones tactiques.
  • Accueil de nouveaux matériels (SCORPION, Rafale F4).
  • Interopérabilité renforcée avec les partenaires du Golfe.

Face à la montée des tensions dans la région – guerre au Yémen, mouvements houthis, risques en mer Rouge – cette capacité d’ajustement devient essentielle.

Source : defense.gouv.fr

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