Lijian-1 : la fusée chinoise qui bouscule le marché des petits satellites.
Le 27 juillet 2022, une fusée chinoise longue de 31 mètres s’élevait dans le ciel de Jiuquan. Son nom : Lijian-1. Son carburant : du propergol solide et à l’intérieur une coiffe de 3,35 mètres capable d’embarquer jusqu’à 2 tonnes en orbite basse. Autrement dit, un camion-benne supersonique pour satellites miniatures !
Ce lancement inaugural, mené par CAS Space, une filiale de l’Académie chinoise des sciences a marqué l’entrée en scène d’un nouveau concurrent dans le domaine très disputé des lanceurs légers, aux côtés des fusées américaines Rocket Lab et Firefly, ou des européennes Vega-C et RFA One.
Lire aussi :
- Démonstration de force ou coup de bluff face à la Chine ? Les Etats-Unis veulent envoyer des colis à 13 000 km dans l’espace à des vitesses hypersoniques
- À plus de 6 000 km/h, ce missile indien pourrait frapper sans riposte possible
Lijian-1, l’espoir chinois sur le marché des lanceurs légers de satellites orbitaux
La Lijian-1 repose sur quatre étages successifs, tous alimentés par des moteurs à poudre :
-
1er étage : 200 tonnes de poussée
-
2e étage : 100 tonnes
-
3e étage : 50 tonnes
-
4e étage : 10 tonnes
Cette configuration permet de moduler la montée en puissance, tout en conservant une architecture simple, robuste et peu coûteuse à produire. Comparée à la Longue Marche 11, autre lanceur solide chinois, elle est deux fois plus massive au décollage, avec 135 tonnes sur la balance.
En orbite héliosynchrone (SSO), très utilisée pour les satellites d’observation terrestre, elle peut embarquer 1,5 tonne. De quoi répondre à la forte demande des constellations de nano et microsatellites en essor.
Une fusée qui sent la poudre… militaire
Il y a parfois des clins d’œil technologiques peu subtils. Le premier étage de la Lijian-1 serait dérivé du missile balistique intercontinental DF-31. Même diamètre, même technologie, même conception modulaire.
Ce n’est pas un hasard : CAS Space, fondée en 2018, a précisément pour objectif de valoriser les savoir-faire issus du militaire et de la recherche scientifique. La fusée est donc une synthèse entre deux mondes : les hautes exigences des missions spatiales civiles et la fiabilité éprouvée des vecteurs stratégiques.
Des records à la chaîne et des lancements bien remplis
En juin 2023, la Lijian-1 frappe fort : 26 satellites embarqués en un seul vol. Ce n’est pas le record mondial, mais cela la place dans la cour des grands. Depuis son premier lancement, elle a effectué six missions (jusqu’à fin 2024), avec un taux de réussite de 83 % : cinq réussites, un échec.
Parmi les charges utiles figurent des satellites chinois, mais aussi des clients étrangers, comme le premier satellite de télédétection d’Oman, preuve que la Lijian-1 séduit au-delà des frontières chinoises.
Principales caractéristiques de la fusée Lijian-1
Paramètre | Valeur |
---|---|
Hauteur | 31 mètres |
Diamètre | 2,65 mètres |
Masse au décollage | 135 tonnes |
Charge utile en orbite basse | 2 tonnes |
Charge utile en orbite héliosynchrone | 1,5 tonne |
Nombre de lancements fin 2024 | 6 (dont 5 réussis) |
Un secteur privé qui monte… mais soutenu d’en haut
Ce qui distingue le spatial chinois et comme de nombreux secteurs économiques stratégiques, c’est l’intervalle floue entre secteur public et privé. CAS Space est certes une entreprise « commerciale », mais elle reste adossée à l’Académie des sciences, avec un accès privilégié aux technologies d’État.
Et surtout, elle bénéficie du soutien politique du président Xi Jinping, qui pousse à fond le développement des industries stratégiques. Objectif affiché : construire rapidement des constellations de satellites pour la communication, la navigation et la surveillance, en s’affranchissant des fournisseurs étrangers.
Un successeur en embuscade : Lijian-2
CAS Space ne compte pas s’arrêter là. Dans ses cartons, une version plus musclée : la Lijian-2, un lanceur moyen capable de mettre 12 tonnes en orbite basse, soit six fois plus que son aînée. Le premier vol est prévu pour 2025.
Cette montée en gamme permettrait de couvrir un spectre plus large de missions, depuis les satellites institutionnels jusqu’aux plateformes de stationnement orbital.
Des ambitions bien calibrées
La Lijian-1 ne prétend pas rivaliser avec SpaceX ou Ariane 6 sur les gros satellites. Mais elle vise juste : coût réduit, cadence élevée, réactivité logistique. Dans un marché qui explose, le « low cost orbital » est en passe de devenir la norme.
Avec une infrastructure déjà en place, des contrats internationaux en cours et un système éprouvé, la Lijian-1 s’impose comme un outil stratégique de la diplomatie spatiale chinoise. Plus qu’un simple vecteur, c’est un levier.
Et pour ceux qui doutaient que les lanceurs à poudre avaient encore un avenir… il faudra sans doute revoir leur copie.
Lanceur | Pays/Entreprise | Type de propulsion | Capacité LEO (kg) | Capacité SSO (kg) | Hauteur (m) | Nombre d’étages | Année du 1er vol | Particularités/Commentaires |
Lijian-1 | Chine / CAS Space | 4 étages à poudre | 2 000 | 1 500 | 31 | 4 | 2022 | Plus gros lanceur solide chinois, record de 26 satellites lancés en un vol, cadence élevée |
Vega | Europe / ESA/Avio | 4 étages à poudre | 2 300 | 1 500 | 30 | 4 | 2012 | Référence européenne pour petits satellites, accès institutionnel privilégié |
Electron | Nouvelle-Zélande / Rocket Lab | 2 étages liquide | 300 | 200 | 18 | 2 | 2017 | Ultra-léger, dédié aux micro/nanosatellites, cadence élevée, coût réduit |
Falcon 9 | USA / SpaceX | 2 étages liquide | 22 800 | ~8 300 | 70 | 2 | 2010 | Segment supérieur, réutilisable, leader du marché commercial mondial |
Kuaizhou-1A | Chine / ExPace | 3 étages à poudre | 1 000 | 700 | 20 | 3 | 2017 | Lanceur commercial chinois, flexible, dédié petits satellites |
Commentaires
- La Lijian-1 rivalise directement avec Vega en capacité et conception, mais se démarque par une cadence de lancement en forte hausse et un coût potentiellement inférieur.
- Electron cible un marché plus restreint (micro/nanosatellites) tandis que Falcon 9 opère sur un segment bien plus puissant.
- Kuaizhou-1A complète l’offre chinoise sur le segment des petits lanceurs, mais avec une capacité inférieure à Lijian-1.
- Lijian-1 s’impose comme un acteur majeur sur le marché mondial des petits satellites, combinant robustesse, flexibilité et compétitivité.
Image : Xinhua/Wang Jiangbo