Les essais en mer de la frégate Kimon : un pas de géant pour la Marine hellénique.
La frégate Kimon, premier exemplaire des FDI destiné à la Grèce, a pris la mer au départ de Lorient. Cet essai en conditions réelles marque un tournant : il symbolise l’aboutissement d’un savoir-faire industriel et la montée en puissance d’une marine méditerranéenne qui ne veut plus laisser filer son rang.
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Une architecture numérique au cœur du navire
Le 21 mai 2025, le Kimon a quitté le quai, propulsé par l’expérience accumulée lors des essais de l’Amiral Ronarc’h, la version française de la même frégate. Avec à bord des représentants grecs attentifs, la manœuvre était soigneusement orchestrée. Comme dans un laboratoire, chaque donnée compte, car au-delà de la performance, c’est la souveraineté maritime hellénique qui est en jeu.
La frégate Kimon n’est pas qu’un amas de tôles et de missiles : c’est un cerveau flottant, bardé de senseurs et de calculateurs. Son architecture numérique, fruit d’années de développement, fait toute la différence.
Ici, les mises à jour se font en douceur, sans avoir besoin d’arracher la moitié de la coque pour y glisser un câble de plus. Pas de mise à niveau « à mi-vie » : on parle d’évolutions progressives, un peu comme les mises à jour de nos téléphones. Cette souplesse numérique, c’est une garantie que le Kimon ne sera pas obsolète dans vingt ans, alors que les menaces, elles, ne prennent jamais leur retraite.
Principales caractéristiques techniques de la frégate de défense et d’intervention (FDI) classe Amiral Ronarc’h :
Caractéristique | Détail |
Type | Frégate multirôle de premier rang |
Longueur | 121,6 m |
Largeur (maître-bau) | 17,7 m |
Tirant d’eau | 6,4 m |
Déplacement | 4 460 tonnes à pleine charge |
Vitesse maximale | 27 nœuds |
Autonomie | 45 jours / 5 000 milles nautiques à 15 nœuds |
Équipage | Environ 125 marins (jusqu’à 150 avec passagers) |
Propulsion | CODAD (4 moteurs diesel MTU 16V 8000 M91L, 2 lignes d’arbre), puissance totale ~32 MW |
Armement principal | – 1 canon Otobreda 76 mm – 2 canons téléopérés 20 mm – 16 cellules Sylver A50 (missiles Aster 30) – 8 missiles antinavires Exocet MM40 Block 3C – Torpilles MU90 antisous-marines |
Capteurs et systèmes | – Radar Sea Fire 500 AESA à antennes fixes (360°) – Sonar coque et remorqué – Guerre électronique numérique – Système de gestion de combat SETIS – Système optronique Paseo XLR – Protection cyber-résiliente |
Aviation embarquée | Hélicoptère lourd (NH90 Caïman, futur Guépard Marine) + capacité drone jusqu’à 700 kg |
Particularités | – Étrave inversée pour meilleure tenue en mer et furtivité – Hôpital embarqué (2 lits, équipements radiologie) – Architecture numérique avancée avec data-centers embarqués – Conception évolutive et modulaire |
Nombre prévu | 5 unités pour la Marine nationale (livraisons entre 2025 et 2032), 3-4 pour la Grèce (version renforcée) |
Cette frégate combine compacité, puissance de feu, furtivité et capacités multi-domaines (anti-aérien, anti-sous-marin, anti-surface, cyberdéfense), conçue pour remplacer les frégates La Fayette et compléter les FREMM
Une polyvalence qui fait mouche
La polyvalence du Kimon impressionne par son ampleur. Il est capable de mener une guerre aérienne, de traquer les sous-marins, d’attaquer les navires de surface et même de servir de base avancée pour des opérations spéciales.
Avec ses 32 missiles Aster et ses 8 Exocet MM40 B3c, ce navire a de quoi faire réfléchir les plus audacieux. Ajoutez à cela un système RAM, des torpilles MU90 et un canon de 76 mm pour les plus proches, et vous obtenez un éventail de ripostes qui balaye toute la gamme des menaces.
Dans les airs, un hélicoptère de 10 tonnes et un drone VTOL peuvent simultanément opérer. C’est un peu comme avoir un œil de lynx et une main de fer, le tout sur une coque de 122 mètres de long.
Un navire conçu pour durer
Ce qui distingue encore le Kimon, c’est sa capacité à absorber les chocs du temps. Conçu pour durer, il combine une construction modulaire et des systèmes de combat interchangeables.
Les ingénieurs n’ont pas oublié la guerre de l’ombre : la cybersécurité est intégrée dans les fondations du navire. Les données, doublées et réparties entre deux centres de calcul embarqués, résistent aux cyberattaques comme un coffre-fort au fond de l’océan.
Il faut aussi souligner la présence de la passerelle dédiée aux menaces asymétriques, un concept encore rare mais qui pourrait bien devenir une norme. Cette cellule nerveuse pilote la lutte contre les menaces de surface légères et rapides, un peu comme un chef d’orchestre face à des musiciens indisciplinés.
Une filière industrielle à l’œuvre
Le Kimon, c’est le résultat d’une chaîne industrielle qui mêle grands noms et petits acteurs. Thales, MBDA et Naval Group tiennent la baguette, mais toute une myriade de sous-traitants et d’experts travaillent dans l’ombre pour que chaque boulon, chaque câble soit à sa place.
Ces essais en mer ne sont pas une simple formalité. Ils valident l’assemblage d’une mécanique complexe où la moindre défaillance peut coûter des millions d’euros, voire bien plus.
Le calendrier de la flotte hellénique
D’ici fin 2026, la Grèce opérera trois frégates FDI, dont la HS Formion, déjà sur la rampe de lancement. Cette montée en puissance n’est pas un luxe : elle s’inscrit dans un contexte géopolitique où la Méditerranée orientale est tout sauf un long fleuve tranquille.
Avec le Kimon, la Marine hellénique dispose désormais d’un outil de combat moderne, conçu pour s’adapter à la fois aux défis d’aujourd’hui et à ceux qui surgissent sans prévenir. Sa mise en service, à peine entamée, sera suivie de près, car dans ce domaine, l’innovation n’est pas un sprint mais un marathon.
Des débuts commerciaux prometteurs pour la FDI
Pays | Nombre de frégates commandées | Statut / Livraison prévue | Chiffre d’affaires estimé (milliards €) | Remarques principales |
France | 5 | 1ère livrée en 2024, dernières en 2029 | Environ 3,0 (part du contrat global bâtiments) | Flotte nationale, livraisons en série pour Marine nationale |
Grèce | 3 confirmées + 1 en option | 1ère livrée fin 2025, autres jusqu’en 2029 | Environ 1,5 (contrat signé en 2023) | Frégates construites à Lorient, transfert de technologie envisagé |
Norvège | En négociation (1 à 4 frégates) | Appel d’offres en cours, livraison possible dans 5 ans | Potentiel >1,0 (en cas de succès) | Forte candidature pour remplacer les frégates Nansen |
Autres pays | Discussions avancées (Argentine, Brésil, Inde…) | Marchés en négociation | Potentiel 2 à 3 milliards € | Ambitions export fortes, notamment pour renouvellement des flottes |
Chiffres clés et contexte commercial :
- En 2024, Naval Group a réalisé un chiffre d’affaires global de 4,3 milliards d’euros, avec une part importante provenant des commandes de frégates FDI et autres bâtiments de surface
- Le carnet de commandes total atteint environ 18 milliards d’euros, incluant sous-marins, frégates et autres navires, assurant plusieurs années d’activité soutenue.
- Le contrat grec pour 3 FDI, avec une option pour une quatrième, représente environ 1,5 milliard d’euros, avec construction à Lorient et intégration de systèmes de pointe (missiles ASTER 30 B1, Exocet MM40 Block 3c).
- Naval Group vise un marché international potentiel de 20 à 25 frégates FDI supplémentaires, ce qui pourrait générer plusieurs milliards d’euros supplémentaires dans les prochaines années.
- La première FDI livrée à la Marine nationale, la frégate Amiral Ronarc’h, est entrée en service en 2024, tandis que la première frégate grecque, HS Kimon, est attendue en 2025.
Source article & image : Naval Group