Imaginez envoyer 100 tonnes de matériel n’importe où sur Terre en moins d’une heure et demie. C’est le pari fou mais très sérieux que tente de relever l’US Air Force avec son programme Rocket Cargo.
Sous l’apparence d’un projet de science-fiction se cache une révolution stratégique : faire de la fusée un moyen de transport rapide et flexible, capable de remplacer les avions-cargos sur les missions les plus urgentes. Objectif ? Atterrir n’importe où sur la planète en moins de 90 minutes, avec des charges utiles colossales.
A lire aussi :
- 10 fois plus rapide qu’un missile classique : ce nouveau missile japonais dévoile une portée de plus de 300 km
- Le Japon dévoile une nouvelle arme au DSEI Japan 2025 pour prouver à son grand rival qu’une attaque massive de drones sera bientôt inenvisageable
Une ambition logistique sans précédent
L’idée centrale du programme Rocket Cargo est simple sur le papier : utiliser une fusée réutilisable pour transporter des marchandises ou des soldats à l’autre bout du monde plus vite que n’importe quel avion. En ligne de mire, la possibilité de livrer jusqu’à 100 tonnes de fret en moins d’une heure et demie. Ce projet, mené dans le cadre de l’initiative REGAL (Rocket Experimentation for Global Agile Logistics), n’a rien d’un rêve lointain. L’US Air Force souhaite réaliser un vol orbital d’essai dès 2026, en partenariat avec Rocket Lab USA.
Des fusées civiles adaptées au militaire
Pour cela, les militaires comptent s’appuyer sur des technologies civiles existantes, à commencer par Neutron, la fusée moyenne réutilisable de Rocket Lab, capable de transporter 13 tonnes en orbite. Le premier test portera sur un vol suborbital avec une trajectoire simulant une mission logistique. Les données recueillies pendant cette expérience – température, pression, chocs, flux thermique – permettront d’évaluer la résistance des structures et la sécurité du transport en vue de futures missions avec du fret, voire des passagers.
Une fusée au service des Marines… ou des humanitaires
L’ambition est claire : créer une solution logistique complète aussi robuste et intégrée qu’un escadron aérien. Il s’agira de pouvoir projeter rapidement une unité militaire ou de livrer des kits de secours après un séisme, avec la même réactivité qu’un transport aérien classique, mais à une vitesse inédite. À terme, Rocket Cargo pourrait remplacer partiellement des appareils comme le C-17 Globemaster III, qui peut emporter 77 tonnes, mais met des heures à atteindre sa destination.
100 tonnes dans l’espace à un prix compétitif ?
Le défi n’est pas seulement technologique. Il est aussi économique. L’US Air Force veut que le coût d’un vol Rocket Cargo soit comparable au fret aérien classique, malgré les contraintes liées au spatial : retour contrôlé sur Terre, réutilisabilité, sécurité accrue. À ce jour, seuls quelques lanceurs réutilisables (comme ceux de SpaceX) peuvent rivaliser, mais leur coût reste élevé. Le pari est donc d’industrialiser des systèmes plus simples, conçus dès le départ pour un usage logistique.
Une avancée stratégique à haute valeur ajoutée
Le déploiement rapide de matériel lourd, voire de troupes, dans des zones reculées ou hostiles, offre un avantage tactique évident. Cela permettrait par exemple de renforcer une base isolée ou de réagir à une attaque en quelques dizaines de minutes. Le projet s’inscrit dans une tendance plus large à la militarisation de l’espace et à l’intégration de moyens spatiaux dans les opérations classiques. Avec Rocket Cargo, le ciel ne serait plus une limite mais un raccourci.
Une course contre la montre pour tester, fiabiliser, déployer
Avant d’en arriver là, le programme devra franchir plusieurs étapes clés :
Étape | Objectif | Date prévue |
Test orbital initial | Vol suborbital avec Neutron | 2026 |
Validation des données | Analyse des contraintes et impacts | 2027 |
Intégration d’une capsule cargo | Capacité > 50 tonnes | 2028-2029 |
Déploiement partiel | Missions humanitaires ou d’urgence | à partir de 2030 |
Le facteur temps est crucial : en face, la Chine investit massivement dans des projets similaires, et l’espace devient un nouvel espace de compétition stratégique.
Londres confirme sa montée en puissance : le Javelin atteint désormais des cibles à 4 kilomètres
Des humains bientôt dans la soute ?
Si tout fonctionne, l’étape suivante serait d’embarquer du personnel. Un défi de taille, car les contraintes biomécaniques sont énormes : accélérations, température, vibrations… Il faudra que la capsule soit entièrement sécurisée, avec des standards proches de ceux des capsules habitées. Mais une fois cette barrière franchie, on peut imaginer des missions d’intervention ultra-rapides, où une unité tactiqueatterrit au milieu d’un théâtre d’opérations… venue littéralement du ciel.
Source : Rocket Labs Corp