Ils ne voulaient plus dépendre des Américains : le moteur secret qui bouleverse l’aviation de combat en Turquie
Ankara, 15 mai 2025. Dans un hangar discret au cœur de l’Anatolie, les ingénieurs turcs lèvent le voile sur une pièce de métal de quelques mètres de long, capable de libérer une puissance équivalente à 16 locomotives. Son nom : TF35000.
Un moteur 100 % turc, prêt à propulser le chasseur furtif KAAN à travers les cieux les plus disputés. la Turquie entre dans le cercle très restreint des puissances capables de produire un moteur de chasse de bout en bout, sans dépendre d’un fournisseur étranger. Une capacité que seules les États-Unis, la Russie, la Chine et la France peuvent aujourd’hui revendiquer.
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La Turquie dévoile le moteur TF35000, pilier technologique de son futur avion de 5e génération KAAN
Long de plus de 4 mètres, le TF35000 est un turboréacteur de dernière génération, conçu pour dépasser les 155 kilonewtons de poussée (35 000 livres selon les unités anglo-saxonnes). De quoi rivaliser, sur le papier, avec les meilleurs moteurs occidentaux : le F119 du F-22 Raptor, le F110 des F-16 ou encore l’EJ200 qui équipe l’Eurofighter Typhoon.
Pour la première fois, on parle bien ici d’un moteur indigène, tout a été conçu localement :
- les matériaux sont Issus d’alliages résistants aux très hautes températures, développés en partenariat avec les centres de recherche métallurgique d’Eskişehir,
- les revêtements thermiques sont revetés dans les laboratoires turcs,
- le cœur du système, du compresseur au postcombusteur est produit et assemblé à domicile, sous contrôle de TUSAŞ Engine Industries (TEI), le géant de la motorisation aéronautique fondé en 1985.
Ce moteur est destiné à équiper le KAAN, le futur chasseur furtif de cinquième génération développé par Turkish Aerospace. Un appareil qui, jusqu’à présent, devait se contenter d’un moteur américain, le General Electric F110. Problème : ce dernier restait soumis à des autorisations d’exportation et à des limitations stratégiques. Ankara veut désormais voler de ses propres ailes.
Vingt ans de secrets et de sueur
Le TF35000 ne sort pas de nulle part. C’est le fruit d’un patient travail, entamé discrètement il y a près de deux décennies. En parallèle de ses participations à des programmes sous licence étrangère, TEI a tissé une toile d’ingénierie interne, posant les jalons de son autonomie technique.
Dans les années 2010, l’entreprise se faisait remarquer pour sa maîtrise du turbosoufflante TS1400, destiné aux hélicoptères nationaux comme le Gökbey. Elle produisait aussi des composants critiques pour les moteurs T700 américains, montés sur les hélicoptères Sikorsky Black Hawk. Mais jamais encore elle n’avait conçu une propulsion de cette échelle, de cette complexité.
Un bond industriel rendu possible par trois piliers : une filière de matériaux avancés créée autour d’Ankara, des plateformes de conception numérique capables de simuler l’usure jusqu’à la molécule, et surtout, un centre de tests flambant neuf capable de reproduire les conditions extrêmes d’un vol supersonique à 20 000 mètres d’altitude.
Une riposte à l’OTAN, sans quitter l’OTAN
Depuis les tensions sur l’achat du système russe S-400, les relations entre Ankara et ses alliés occidentaux se sont refroidies. Washington a banni la Turquie du programme F-35 en 2019. Certains équipements destinés à la modernisation de sa flotte de F-16 ont été gelés. Dans ce contexte, le TF35000 devient un levier de souveraineté, un gage d’indépendance dans les décisions militaires stratégiques.
Le message est clair : la Turquie ne veut plus quémander les pièces détachées. Elle veut produire. Et vendre. Car ce moteur ne sera pas seulement monté sur les futurs chasseurs turcs. Il pourrait aussi intéresser des pays souhaitant s’équiper hors des circuits occidentaux : le Pakistan, le Qatar, l’Azerbaïdjan ou encore l’Indonésie, déjà partenaires de coopération industrielle avec Ankara.
Ce moteur devient une arme diplomatique. Un atout à monnayer. Et une garantie : même en cas d’embargo ou de tensions, les avions turcs voleront.
Une réponse aux grands du secteur
En face, la concurrence est rude. Le F119 de Pratt & Whitney équipe le F-22 Raptor américain. Le F135 du même constructeur propulse le F-35, avec une poussée en postcombustion dépassant les 190 kN. Les moteurs français M88 du Rafale plafonnent à environ 90 kN à pleine charge.
Mais là où le TF35000 tire son épingle du jeu, c’est dans sa disponibilité et son contrôle. Un moteur conçu sans aucune dépendance, sans veto d’exportation, sans transfert technologique conditionné. Dans une ère où les chaînes logistiques sont fragiles, où les alliances sont mouvantes, cette maîtrise intégrale devient une assurance stratégique.
Et même si ses performances brutes ne dépassent pas encore celles des mastodontes américains, le TF35000 place la Turquie dans une position d’égal, non plus comme un sous-traitant mais comme un rival technologique crédible.
L’arme invisible derrière le moteur
La présidence de l’Industrie de défense (SSB), rattachée directement au palais présidentiel, pilote de près les grandes orientations industrielles du pays. Chaque pièce produite, chaque tuyère testée, chaque gramme d’alliage validé entre dans une vision : faire de la Turquie une puissance non alignée, capable de vendre à tous sans obéir à personne.
Le TF35000 n’est donc pas seulement un moteur. C’est une idée de la puissance. Une mécanique diplomatique. Un outil pour négocier, intimider, séduire. Un moteur qui tourne, oui. Mais qui fait aussi tourner les têtes dans les chancelleries occidentales.
Car quand un pays n’a plus besoin de permission pour faire voler ses avions, il peut aussi choisir ses cibles, ses amis, et ses silences. Le vrai bruit du TF35000 ne se fait pas entendre dans les turbines. Il résonne dans les stratégies.
L’hégémonie française sur la Méditerranée est-elle menacée ?
Critère | France (Armée de l’Air et de l’Espace) | Turquie (Türk Hava Kuvvetleri) |
Taille de la flotte totale | 499 aéronefs (2024, incluant avions, hélicoptères et drones) | Environ 1 055 aéronefs (2024, estimation hors drones) |
Avions de combat principaux | Rafale (137 en 2035), Mirage 2000D rénovés (48), Mirage 2000-5, Alpha Jet | F-16C/D (environ 235), F-4E Phantom (en retrait), KAAN (en développement) |
Nouveaux programmes | Rafale F4, modernisation Mirage 2000D, drones Reaper et Patroller | TAI TF-X KAAN (5e génération, vol inaugural 2024, opérationnel vers 2030 |
Avions de transport/ ravitaillement | A400M Atlas, A330 MRTT Phénix (12), C-130 Hercules, Casa CN235 | A400M Atlas (livraisons en cours), C-130 Hercules, CASA CN235 |
Drones | MQ-9 Reaper (10), Patroller (livraisons en cours) | Bayraktar TB2, Anka, Akıncı (production nationale) |
Hélicoptères | H225M Caracal, Puma, Fennec, NH90, Tigre | T129 ATAK, UH-60, AS532 Cougar, hélicoptères nationaux |
Formation et entraînement | Alpha Jet, Pilatus PC-21, Cirrus | Hürkus II (nouveau, 2025), KT-1, T-38 Talon |
Porte-avions et aviation navale | Rafale Marine (porte-avions Charles de Gaulle) | Projets d’aviation embarquée sur porte-avions MUGEM (en construction) |
Points forts | Technologie de pointe, flotte modernisée, capacités de projection mondiale | Flotte nombreuse, montée en gamme technologique, production nationale accrue |
Points faibles | Flotte en réduction, dépendance à certains matériels étrangers | Modernisation incomplète, dépendance partielle aux F-16 américains |
En synthèse, en 2025 la France reste la puissance militaire dominante de la Méditerranée (du moins comme puissance locale dominante). Elledispose d’une flotte plus moderne, axée sur le Rafale et des capacités de projection et de ravitaillement avancées, ainsi que sur une aviation navale opérationnelle. La Turquie, avec une flotte numériquement supérieure, accélère sa modernisation grâce à des programmes nationaux (KAAN, drones) et vise l’indépendance technologique, notamment avec le développement d’un porte-avions et d’avions de 5e génération. La France conserve l’avantage en matière de technologie et de projection, mais la Turquie rattrape rapidement son retard grâce à ses investissements et à sa production nationale.
Source :
- https://www.tei.com.tr/en/tf35000-turbofan-engine
- https://turdef.com/article/tei-puts-tf35000-turbofan-engine-for-kaan-on-website
Image : Prototype du TAI TF-X Kaan au décollage