Un moteur à détonation rotative propulse les États-Unis à Mach 6 depuis une piste classique.
C’est un petit pas pour ce moteur, mais un bond hypersonique pour l’aéronautique américaine et mondiale. La start-up Venus Aerospace, basée à Houston, vient de tester avec succès le tout premier moteur à détonation rotative (RDRE) en vol, depuis une piste classique. Un exploit inédit aux États-Unis, et peut-être dans le monde, qui ouvre la voie à des vols à plus de 7 400 km/h, directement depuis un aéroport classique.
Ce test s’est déroulé à Spaceport America, au Nouveau-Mexique. Le moteur, compact et peu coûteux, a démontré en conditions réelles qu’il pouvait fonctionner de façon stable et efficace, bien au-delà des simulations en laboratoire.
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Le moteur à détonation rotative : de la science-fiction à la réalité
Le RDRE n’est pas un nouveau concept. Les premières recherches datent des années 1980. Mais jusqu’ici, aucun prototype n’avait réellement volé. Le défi ? Maîtriser une combustion en détonation tournante, un phénomène instable qui promet des gains de performance significatifs… si on parvient à le dompter.
Venus Aerospace semble avoir trouvé la clé. Son moteur fonctionne de façon fiable, tout en étant plus petit et plus efficient qu’un moteur-fusée classique. En clair, on obtient plus de poussée avec moins de carburant.
Et surtout, il peut être combiné avec un autre système exclusif : le VDR2, un statoréacteur à détonation respirant l’air. Résultat : un avion peut décoller à vitesse subsonique, puis accélérer à Mach 6 sans avoir besoin de fusées ou d’étage largable.
Un projet pour les avions civils… et militaires
Le rêve de Venus ne s’arrête pas au prototype. L’entreprise prépare déjà les tests de propulsion à pleine échelle pour intégrer ce moteur dans un avion appelé Stargazer M4, un appareil réutilisable capable de transporter des passagers à Mach 4.
À terme, ce genre de technologie pourrait permettre un vol Paris – Tokyo (13 742 km) en moins de deux heures. Mais l’intérêt va bien au-delà du tourisme express : l’aéronautique militaire suit ces avancées de près.
Un moteur hypersonique fiable, peu coûteux et décollant depuis une base terrestre, c’est aussi la promesse de missiles, de drones ou d’appareils de reconnaissance impossibles à intercepter avec les systèmes actuels.
La compétition hypersonique s’intensifie aux États-Unis
Venus n’est pas seule sur la piste. Plusieurs start-up américaines avancent tambour battant sur des systèmes hypersoniques :
- Anduril Industries a testé un moteur-fusée de 21 pouces pour booster les performances du missile SM-6, qui pourrait atteindre entre Mach 5 et Mach 7.
- Castelion, fondée par d’anciens de SpaceX, développe des armes de frappe longue portée hypersoniques produites en série. Objectif : une commercialisation dès 2027. Elle a déjà levé 92 millions d’euros.
- Ursa Major a testé son moteur Hadley, à oxygène liquide et kérosène, atteignant des vitesses hypersoniques. Elle travaille aussi sur le Draper, conçu pour les vols atmosphériques et exoatmosphériques.
- Hermeus, en Géorgie, mise sur le Quarterhorse, un avion expérimental propulsé par un moteur Pratt & Whitney F100 modifié et un statoréacteur. Vitesse visée : Mach 5. Leur jet Halcyon viserait un trajet Londres – New York en 90 minutes.
- Kratos Defense a décroché un contrat de 1,34 milliard d’euros avec le Pentagone pour développer une plateforme d’essai hypersonique. Son prototype Erinyes a déjà dépassé Mach 5.
La course à l’hypersonique devient stratégique
Le moteur RDRE de Venus marque un tournant, mais l’enjeu dépasse le simple record de vitesse. L’hypersonique est devenu le nouveau terrain de compétition géopolitique, notamment entre les États-Unis et la Chine.
Pouvoir voler à Mach 6 sans base spatiale, sans fusée, sans infrastructure lourde, c’est ouvrir une brèche dans les schémas actuels de défense. Un missile ou un avion hypersonique échappe à la plupart des radars et atteint sa cible avant que la riposte ne se déclenche.
Les États-Unis cherchent donc à combler rapidement leur retard technologique. L’arrivée d’entreprises privées comme Venus ou Hermeus permet d’accélérer le rythme, hors des lourdeurs administratives traditionnelles.
Un rêve hypersonique à portée de piste
Ce que montre Venus Aerospace, c’est qu’un moteur autrefois théorique peut désormais décoller d’une piste d’aviation classique, sans fusée d’appoint, sans phase suborbitale.
Le système propulsif complet, moteur à détonation rotative plus statoréacteur VDR2, forme une solution intégrée pour un vol hypersonique durable et réutilisable.
Dans quelques années, il sera peut-être possible de traverser le Pacifique à Mach 6. Mais au-delà du tourisme futuriste, ce sont les usages militaires, les satellites de réaction rapide ou les drones stratégiques qui pourraient redéfinir les frontières de la guerre moderne… à 2 000 mètres d’altitude et 2 km par seconde.
Et en dehors des États-Unis ?
En dehors des États-Unis, la Chine se distingue par des avancées majeures dans le domaine des moteurs à détonation rotative, notamment avec le développement et le test du premier moteur à détonation oblique (ODE) au kérosène, capable de fonctionner à des vitesses hypersoniques allant jusqu’à Mach 16. Les chercheurs chinois explorent aussi des concepts hybrides, combinant la technologie rotative à des compresseurs ram-rotor pour améliorer la stabilité et la performance à très haute vitesse. En Europe, des initiatives émergent, comme les travaux de l’Agence spatiale européenne et de start-ups sur la propulsion avancée, bien que l’accent soit davantage mis sur d’autres technologies innovantes. Les progrès reposent sur l’optimisation de la combustion par onde de choc, l’impression 3D de composants et la gestion thermique, mais des défis persistent concernant la résistance des matériaux et la continuité de la poussée. Malgré ces obstacles, les prototypes testés démontrent un potentiel révolutionnaire pour l’aviation et l’exploration spatiale. Les prochaines années devraient voir l’accélération des essais et le passage à des applications concrètes dans le secteur civil et militaire.
Source : https://www.venusaero.com/venus-aerospace-rotating-detonation-rocket-engine-achieves-long-duration-run/