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Le F-35 américain est déjà une relique du passé pour la Corée du Sud qui mise sur un autre cheval 2x moins cher : un porte-drones furtif high-tech

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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La Corée du Sud « jette » le F-35 à la mer pour un navire fantôme bardé de drones. Une décision radicale. Une rupture nette avec l’ancien monde militaire. Le 11 mai …

Le F-35 américain est déjà une relique du passé pour la Corée du Sud qui mise sur un autre cheval 2x moins cher : un porte-drones furtif high-tech

La Corée du Sud « jette » le F-35 à la mer pour un navire fantôme bardé de drones.

Une décision radicale. Une rupture nette avec l’ancien monde militaire. Le 11 mai 2025, la Corée du Sud a annoncé l’abandon pur et simple de son futur porte-aéronefs embarquant des F-35B américains. À la place, un vaisseau d’un nouveau genre verra le jour : un bâtiment de commandement hybride, armé de drones et conçu pour une guerre navale où l’humain se fait discret.

Une stratégie nourrie par les conflits récents, notamment celui d’Ukraine. Un pari sur l’avenir. Et peut-être, une révolution silencieuse qui redessine déjà l’équilibre des puissances maritimes.

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Initialement, Séoul rêvait d’un porte-aéronefs de 30 000 tonnes, long de 260 mètres, capable d’embarquer une vingtaine de F-35B à décollage vertical. Le projet, baptisé Large Transport Vessel-II, avait été lancé sous la présidence de Moon Jae-in. Un programme ambitieux estimé à près de 4,8 milliards d’euros, répartis entre la construction du navire (environ 1,7 milliard d’euros) et l’achat de vingt chasseurs furtifs, chaque F-35B étant estimé entre 105 et 140 millions d’euros pièce.

Mais le nouveau gouvernement, dirigé par Yoon Suk-yeol, a tranché. Trop cher. Trop rigide. Pas adapté aux défis d’un monde qui se bat de plus en plus à distance. Résultat : cap sur un autre navire, lui aussi de grande taille, mais sans chasseurs à bord.

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Un vaisseau sans pilote… ou presque

Le nouveau bâtiment, baptisé Multi-purpose Manned and Unmanned Integrated Command Ship, ne sera pas plus petit. Ni moins puissant. Mais il misera sur un arsenal bien différent : des essaims de drones.

L’objectif est clair : déployer des véhicules aériens sans pilote pour des missions de reconnaissance, de frappe ciblée ou de surveillance prolongée. Certains de ces engins seront des drones suicides, aussi appelés munitions rôdeuses, capables d’attendre patiemment leur cible avant de frapper avec une précision redoutable.

Des hélicoptères traditionnels – de transport ou d’attaque – seront toujours présents à bord. Mais en second plan. Ce sont désormais les UAV (Unmanned Aerial Vehicles) qui prendront la tête des opérations, avec une capacité de projection nettement plus rapide, flexible et moins risquée.

Une économie de guerre assumée

La décision n’est pas que stratégique. Elle est aussi budgétaire. L’économie attendue grâce à cette réorientation est colossale.

Voici un tableau récapitulatif des coûts estimés :

Élément Projet initial (porte-aéronefs + F-35B) Nouveau projet (navire drone)
Construction du navire 1,7 milliard € 1,4 à 1,6 milliard €
Appareils embarqués 3,1 milliards € (20 F-35B) 0,8 à 1 milliard € (drones divers)
Maintenance sur 30 ans 3,5 milliards € 1,2 à 1,5 milliard €
Total estimé 8,3 à 8,5 milliards € 3,4 à 4,1 milliards €

 

En remplaçant les coûteux avions furtifs par des drones, les autorités sud-coréennes visent une économie potentielle de près de 4,5 milliards d’euros. Sans parler de la réduction drastique des besoins en carburant, en équipages qualifiés et en infrastructures de maintenance.

Un virage influencé par l’Ukraine

Ce choix n’est pas sorti de nulle part. Il est directement influencé par l’usage massif des drones dans la guerre en Ukraine. Là-bas, les véhicules sans pilote ont bouleversé les doctrines : frappes ciblées sur des radars, destruction de blindés pour quelques milliers d’euros, surveillance continue de champs de bataille entiers.

Les leçons tirées par les stratèges de Séoul sont claires : la guerre navale de demain ne se jouera plus entre avions embarqués, mais entre plateformes décentralisées, furtives, autonomes. Un drone peut frapper vite, loin, et se sacrifier. Un pilote non.

Une industrie navale déjà à l’œuvre

Le projet n’en est plus au stade de la spéculation. Un premier contrat a été attribué à HD Hyundai Heavy Industries, fleuron industriel sud-coréen, pour dessiner le concept du navire. Les plans sont attendus d’ici quelques mois.

Mais avant de lancer la construction, l’état-major devra obtenir une modification officielle des exigences initiales, encore centrées sur le porte-aéronefs. Cette validation devrait intervenir après l’installation du nouveau gouvernement à Séoul.

En attendant, les essais en mer se poursuivent. En novembre 2024, un drone américain de type Mojave a déjà été testé sur le Dokdo, l’un des navires amphibies actuels de la marine sud-coréenne. Résultat concluant. La piste est prête.

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Une armée sud-coréenne sur le pied de guerre

La Corée du Sud figure parmi les cinq premières puissances militaires mondiales en 2025, avec un effectif actif d’environ 555 000 soldats et un budget de défense dépassant 36 milliards de dollars. Sa flotte de guerre est l’une des plus modernes et puissantes d’Asie, composée de destroyers de classe Sejong le Grand, de frégates, de sous-marins d’attaque et d’un porte-hélicoptères amphibie. La marine sud-coréenne aligne plus de 160 navires, dont une vingtaine de sous-marins, ce qui lui permet de surveiller et de défendre efficacement ses côtes face à la menace nord-coréenne. Parallèlement, la force aérienne sud-coréenne dispose de 1 592 aéronefs, dont 38 F-35A furtifs et plus de 100 F-16, illustrant la modernisation constante de ses équipements. Séoul investit massivement dans la technologie militaire, notamment avec le développement du chasseur furtif KF-21 et de nouveaux sous-marins. Cette puissance navale et aérienne, soutenue par l’alliance avec les États-Unis, place la Corée du Sud au cœur des équilibres stratégiques en Asie du Nord-Est.

Résumé des forces militaires sud-coréennes en 2025 

Catégorie Effectif/Quantité Détail/Remarques
Effectif militaire total 555 000 Armée active, hors réservistes
Budget défense (2025) 36 milliards de dollars 5e budget mondial
Navires de guerre 160+ Dont destroyers, frégates, corvettes
Sous-marins 20 Principalement d’attaque, programme en expansion
Porte-hélicoptères 2 Classe Dokdo, capacité amphibie
Aéronefs militaires 1 592 Chasseurs F-35A, F-16, avions de soutien
Projets majeurs KF-21, nouveaux sous-marins Modernisation continue, développement national

 

Une mutation mondiale silencieuse

La Corée du Sud n’est pas seule. Un peu partout dans le monde, les flottes se transforment. Les États-Unis développent des destroyers capables de piloter des drones navals. La Chine expérimente des drones marins à grande autonomie. Et l’Europe s’y met aussi.

Le choix de Séoul d’abandonner un projet emblématique – celui d’un navire capable d’embarquer des avions furtifs américains – marque donc une tendance lourde.

Le théâtre d’opérations s’élargit. Les technologies s’autonomisent. L’humain, jusque-là maître à bord, devient superviseur. Et les drones prennent la mer.

Si le XXe siècle a été celui des porte-avions, le XXIe pourrait bien être celui des vaisseaux fantômes… sans pilotes, mais pas sans guerre.

Source : https://militarnyi.com/en/news/south-korea-to-replace-f-35bs-with-drones-on-future-aircraft-carriers/

Image : Maquette de la proposition de  Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering (DSME) pour le projet CVX (porte-avions initialement envisagé par la Corée du Sud pour ses F-35)

À propos de l'auteur, Guillaume Aigron