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Déjà un géant sur le marché automobile asiatique, ce groupe à 150 milliards d’euros par an veut prendre une autre dimension grâce au marché de l’armement européen

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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Tata dévoile ses nouveaux drones et blindés et c’est toute l’Inde qui s’invite dans le jeu stratégique de l’Europe. À Athènes, tous les dieux de l’Olympe n’ont pas été convoqué …

Ce géant de l'automobile asiatique à 150 milliards d'euros par an veut prendre une autre dimension et conquérir le marché de l'armement européen avec ce colosse de 24 tonnes

Tata dévoile ses nouveaux drones et blindés et c’est toute l’Inde qui s’invite dans le jeu stratégique de l’Europe.

À Athènes, tous les dieux de l’Olympe n’ont pas été convoqué pour cette fois, mais les dieux de la guerre feront certainement un saut au salon DEFEA 2025 qui se termine le 8 mai ! Ce sera le cas de l’industriel indien Tata Advanced Systems Limited (TASL), qui en a profité pour présenter une panoplie de systèmes de défense destinés à séduire les armées européennes. Drones de frappe autonome, véhicules blindés amphibies, capteurs longue portée : tout y est. Et derrière l’exposition technologique, un objectif clair : gagner des marchés et nouer des alliances dans le giron de l’OTAN.

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Le WhAP 8×8 : un blindé taillé pour les conflits modernes

Au centre du stand, difficile de rater le WhAP (Wheeled Armoured Platform), un véhicule 8×8 amphibie multirôle, conçu pour les standards de l’OTAN. Ce mastodonte de 24 tonnes peut jouer les hommes-orchestres : véhicule de combat d’infanterie, poste de commandement, transport de troupes, évacuation sanitaire, voire reconnaissance NBC (nucléaire, biologique, chimique).

Son moteur de 600 chevaux, qui délivre 2 400 Nm de couple entre 1 500 et 1 700 tours/minute, lui permet de s’extraire de terrains chaotiques sans broncher. L’engin peut embarquer jusqu’à 11 soldats en plus du pilote, et continue de rouler même avec des pneus endommagés, grâce à un système de gonflage centralisé et une suspension indépendante.

Déjà utilisé par l’armée indienne sur ses frontières nord et est, le WhAP a aussi trouvé une utilité dans les opérations contre-insurrectionnelles. Tata mise sur sa modularité pour l’adapter aux besoins des armées européennes, notamment les forces grecques, premières visées par cette offensive commerciale.

Ce bijou high-tech américain a vu son coût multiplié par 2,8 en 16 ans mais il est considéré aujourd’hui comme le meilleur destroyer du monde

Drones ALS 250 et ALS 50 : des munitions rôdeuses avec du caractère

Côté aérien, Tata n’est pas venu les mains vides. Deux modèles de drones kamikazes autonomes étaient exposés : l’ALS 250 et l’ALS 50.

L’ALS 250 affiche 250 kilomètres d’autonomie, une charge utile de 8 kg, et peut être armé d’une ogive préfragmentée ou anti-char tandem selon la mission. Il fonctionne sans opérateur direct, peut être rappelé en vol et récupéré si la cible change. Son atout ? Une tourelle gyrostabilisée EO/IR pour un usage de jour comme de nuit, quelles que soient les conditions météo.

Son petit frère, l’ALS 50, se contente de 50 kilomètres de portée, mais avec un décollage vertical (VTOL) et une ogive de 5 kg, il est parfait pour des frappes tactiques rapides. Il a même remporté un prix d’innovation du ministère indien de la Défense. Sa capacité à opérer depuis des terrains non préparés lui donne une flexibilité précieuse sur les théâtres dégradés.

Rajak ULR-25 : des yeux qui percent les brumes

Pour voir avant d’agir, Tata propose également le Rajak ULR-25, un système d’observation longue portée monté sur tourelle panoramique motorisée. Il combine caméra jour, imageur thermique, télémètre laser, GNSS et, en option, une vision infrarouge à ondes courtes (SWIR).

Capacités annoncées : détection humaine à 40 km, reconnaissance à 20 km, cibles de type véhicule détectées à 60 km. Alimenté par une batterie autonome de 20 heures, monté sur trépied ou mât, il se déploie en moins de 10 minutes. Et pour les opérateurs, un écran de 19 ou 21 pouces, avec suivi automatique de cibles et détection de mouvement.

Un outil taillé pour les zones de conflit instables, ou les missions de surveillance sur longue durée.

Une gamme complète qui dépasse le stand

Au de là des prototypes exposés, TASL propose une gamme complète : howitzers tractés ou montés sur camions, systèmes de guerre électronique, radars, lance-roquettes, et même des plateformes hautement mobiles pouvant transporter jusqu’à 130 tonnes.

Surtout, tous les produits sont conçus sans dépendance aux réglementations étrangères (exit ITAR américain ou BAFA allemand). Résultat : souplesse d’exportation, personnalisation à la demande, et absence de blocages politiques en cas de transfert vers des partenaires stratégiques.

Une stratégie européenne par la coopération industrielle

Ce qui distingue Tata, c’est sa volonté d’implanter une industrie locale. À Athènes, le message est clair : coopérer avec des partenaires grecs, soutenir les chaînes d’approvisionnement locales, et répondre aux besoins spécifiques des forces armées helléniques.

Tata veut faire de l’Europe un second pilier industriel, en s’appuyant sur ses succès en Inde, et en exportant son savoir-faire dans l’assemblage, la fabrication et le développement complet de systèmes d’armes. L’entreprise est déjà fournisseur unique dans plusieurs chaînes logistiques internationales, et compte étendre ce modèle.

Qui est Tata ?

Tata est un conglomérat indien fondé en 1868, qui regroupe aujourd’hui plus de 30 entreprises majeures opérant dans plus de 100 pays. Le groupe emploie environ 935 000 personnes à travers le monde et a généré un chiffre d’affaires consolidé de plus de 150 milliards d’euros pour l’exercice 2023-2024. Tata Motors, l’une de ses filiales phares, figure parmi les plus grands constructeurs automobiles d’Asie et possède Jaguar Land Rover, tandis que Tata Steel est l’un des premiers producteurs mondiaux d’acier. Tata Consultancy Services (TCS), la branche technologique, est l’une des plus grandes sociétés de services informatiques au monde, avec plus de 600 000 employés. Le groupe Tata se distingue aussi par ses engagements philanthropiques, près des deux tiers de ses actions étant détenues par des fondations caritatives, ce qui en fait un acteur unique dans le paysage industriel mondial.

L’Inde entre dans l’arène stratégique européenne

Avec cette démonstration de force à DEFEA 2025, l’Inde envoie un signal : elle ne se contente plus de consommer de la défense, elle en exporte, avec ambition et indépendance. L’alliance entre technologie robuste, modularité, autonomie stratégique et souplesse juridique séduit de plus en plus de pays qui cherchent à diversifier leurs fournisseurs.

Et si les drones ALS ou le blindé WhAP circulent bientôt sur les routes de Thessalie ou les bases de l’OTAN, ce ne sera pas un hasard : ce sera le fruit d’une stratégie construite, et d’une technologie prête à l’emploi.

Image : Tata Advanced Systems

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