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100 milliards d’euros investis : Les États-Unis abandonnent 450 silos nucléaires pour un plan secret bien plus ambitieux

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Marc Basoli

Marc Basoli

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L’armée de l’air américaine change de cap : au lieu de rénover ses anciens silos, elle va en construire de nouveaux pour ses missiles intercontinentaux Sentinel. Un choix stratégique, économique… …

100 milliards d'euros investis : Les États-Unis abandonnent 450 silos nucléaires pour un plan secret bien plus ambitieux

L’armée de l’air américaine change de cap : au lieu de rénover ses anciens silos, elle va en construire de nouveaux pour ses missiles intercontinentaux Sentinel. Un choix stratégique, économique… et lourd de symboles.

Alors qu’elle devait moderniser ses 450 anciens silos construits pendant la guerre froide, l’US Air Force s’apprête finalement à en creuser de nouveaux. Le remplacement du missile Minuteman III par le Sentinel a révélé que l’ancien réseau souterrain n’était plus adapté aux exigences de sécurité et de technologie d’aujourd’hui. Cette décision redessine l’architecture de la dissuasion nucléaire américaine, tout en affichant une volonté de flexibilité face aux menaces modernes.

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Une architecture héritée des années 1960

Les anciens silos de missiles américains datent pour la plupart des années 1960 et 1970, une époque où les exigences techniques étaient très différentes. À l’époque, ils étaient conçus pour abriter les missiles Minuteman III, plus petits, moins complexes, et reliés à des systèmes analogiques. Mais l’arrivée du Sentinel, un missile plus long, plus lourd, et équipé de technologies numériques avancées, impose des contraintes nouvelles. Il faut repenser l’alimentation électrique, les systèmes de câblage, la cybersécurité, et surtout la résistance aux chocs, dans un contexte de conflits plus technologiques et imprévisibles.

Une modernisation plus coûteuse que prévu

À première vue, réutiliser l’existant semblait logique : pourquoi reconstruire quand on peut recycler ? Pourtant, les dernières analyses budgétaires ont montré que la rénovation des 450 anciens silos coûterait plus cher qu’une construction neuve. L’armée américaine a lancé une analyse de faisabilité, après avoir constaté un dépassement de budget majeur sur le programme Sentinel, connu sous le nom d’infraction Nunn-McCurdy.

Voici un tableau comparatif :

OptionCoût estiméContraintes
Rénovation des silos MMIIITrop élevée (non viable)Risques techniques, normes obsolètes
Construction neuveMoins cher à long termeTravaux lourds mais mieux adaptés à Sentinel

En d’autres termes, moderniser du vieux coûte plus cher que construire du neuf, surtout quand il s’agit de systèmes nucléaires où chaque détail compte.

Une stratégie des « champs verts »

Plutôt que de déplacer entièrement ses infrastructures, l’armée américaine prévoit d’utiliser ses terrains fédéraux existants, appelés « green fields ». Ces zones non encore utilisées offrent de nombreux avantages : elles permettent de construire sans perturber le fonctionnement des anciens silos, et donc de maintenir l’alerte nucléaire permanente. Cela évite un dilemme majeur : comment remplacer tous les silos sans jamais tomber en dessous du minimum de missiles déployés imposé par la stratégie de dissuasion ? La solution : construire les nouveaux à proximité, basculer les missiles, puis démanteler l’ancien.

Des missiles plus grands, plus puissants

Le Sentinel est plus qu’un simple successeur du Minuteman III. Il représente un bond technologique. Plus long, plus lourd, plus intelligent, il nécessite une toute nouvelle infrastructure de lancement.

Parmi les nouvelles exigences :

  • Des gaines de câblage protégées contre le piratage
  • Une meilleure protection sismique
  • Une alimentation redondante pour parer à toute coupure
  • Un contrôle à distance en cas d’intrusion ou de menace

Ces systèmes n’existaient pas à l’époque du Minuteman III. Les intégrer dans des structures vieilles de 60 ans reviendrait à installer un moteur électrique dans une 2CV : faisable, mais inefficace.

Une modernisation par étapes

L’US Air Force ne va pas tout faire en une fois. Le programme prévoit un remplacement progressif, en gardant une partie des Minuteman III en service pendant que les Sentinel prennent le relais. Ce ballet logistique devra concilier opérations, maintenance, et sécurité nucléaire. Le général Thomas Bussiere, commandant du Global Strike Command, l’a expliqué clairement : il faudra une coordination parfaite entre ingénieurs, militaires, et industriels pour garantir la transition. Le but est de ne jamais baisser la garde, même pendant les travaux.

Eunuque ssai de tir statique du moteur-fusée à propergol solide du premier étage du missile balistique intercontinental Sentinel dans les installations de Northrop Grumman à Promontory, dans l'Utah, le 6 mars 2025
Eunuque ssai de tir statique du moteur-fusée à propergol solide du premier étage du missile balistique intercontinental Sentinel dans les installations de Northrop Grumman à Promontory, dans l’Utah, le 6 mars 2025. U.S. AIR FORCE / R. NEAL BRADSHAW

Un chantier à plusieurs milliards

Le programme Sentinel représente un investissement colossal, avec un budget global estimé à plus de 100 milliards d’euros. Près de 81 % de ce montant concerne l’infrastructure de lancement : silos, centres de commande, réseaux de communication…

Ce chiffre s’explique par l’ampleur des travaux :

  • Construction de centaines de silos neufs
  • Modernisation des bases de lancement
  • Déploiement de technologies de surveillance et de défense

Et tout cela, sans interrompre la posture de dissuasion. Une véritable prouesse logistique, qui mobilisera des dizaines de sites militaires, sous-traitants et entreprises du secteur de la défense.

Une posture stratégique assumée

Ce changement de stratégie n’est pas qu’une question de budget. Il s’inscrit dans une logique de modernisation complète de la force de dissuasion nucléaire terrestre américaine. Avec la montée des tensions internationales, les États-Unis veulent un système fiable, sécurisé et à l’épreuve du temps. Les adversaires potentiels – Chine, Russie, Corée du Nord – disposent eux aussi de capacités modernes. Washington ne peut se permettre de rester avec des silos conçus pour les années 1970. Le temps des rustines est terminé, place à la nouvelle génération.

Source : AFGSC

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