Conçu pour accompagner l’infanterie, le M10 Booker s’avère inutilisable sur de nombreuses bases militaires américaines : une histoire édifiante sur les ratés de l’acquisition militaire.
Né pour offrir une mobilité rapide aux divisions aéroportées, le M10 Booker est devenu un symbole embarrassant : trop lourd pour être déployé comme prévu, inutilisable sur certaines infrastructures, et technologiquement dépassé avant même son entrée en service. Une situation qui pousse l’armée américaine à revoir d’urgence ses méthodes de développement d’armement.
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Quand un véhicule léger devient un poids lourd gênant
L’idée initiale était séduisante : créer un char léger, capable d’être largué d’un avion C-130 pour soutenir l’infanterie aéroportée. Mais entre la théorie et la pratique, un gouffre s’est creusé. Le M10 Booker, censé être maniable et rapide, pèse aujourd’hui 42 tonnes, soit plus du double du M551 Sheridan qu’il devait remplacer. Résultat : il est incapable de franchir plusieurs ponts militaires existants aux États-Unis, notamment à Fort Campbell, qui n’en supporteraient pas le poids.
Une accumulation d’erreurs dès le départ
Dès 2013, les besoins exprimés par la 82e division aéroportée étaient clairs : un véhicule léger, parachutable, capable de déployer rapidement la force. Pourtant, les premières spécifications ont abandonné l’exigence de parachutage dès 2015. Ce choix a transformé le concept en un simple blindé lourd, perdant sa principale valeur ajoutée pour l’infanterie rapide. Chaque étape du processus a préféré cocher des cases plutôt que revenir sur des décisions fondamentales devenues obsolètes.
Une mécanique bureaucratique impossible à arrêter
Le programme Mobile Protected Firepower (MPF), dont le M10 est issu, est un exemple typique d’un projet qui continue d’avancer malgré des alertes évidentes. Modifier un cahier des charges aurait exigé de relancer tout le processus, un effort jugé insurmontable. À mesure que le temps passait, le char devenait de plus en plus lourd, moins adapté, et personne ne souhaitait être celui qui appuierait sur le bouton d’arrêt.
Les limites absurdes imposées par des choix dépassés
Problème identifié | Impact concret |
Abandon du parachutage | Perte de mobilité stratégique |
Poids excessif | Incompatibilité avec 8 ponts sur 11 à Fort Campbell |
Technologie radio SINCGARS (1990) | Communication obsolète |
Inflexibilité sur l’autonomie | Impossibilité d’évolution vers des systèmes sans équipage |
Doublement du poids par rapport au Sheridan | Logistique et transport compliqués |
Une doctrine inachevée pour un véhicule inutilisable
Malgré les premières livraisons à Fort Bragg et Fort Campbell, l’armée n’a pas finalisé la doctrine d’emploi du M10 Booker. Les évaluations environnementales, les tests de mobilité et même les infrastructures nécessaires n’étaient pas prêtes. Résultat : les divisions reçoivent un engin qu’elles ne peuvent ni entraîner efficacement, ni utiliser selon ses objectifs initiaux.
Un avenir incertain pour le M10 Booker
L’armée américaine réfléchit désormais à réduire la commande initiale de 504 véhicules. Seulement trois M10 sont opérationnels pour le moment. Le projet pourrait être abandonné au profit du futur M1A3 Abrams, un char plus léger, équipé de technologies modernes comme :
- Chargeur automatique
- Systèmes de protection active
- Début d’autonomie partielle
Si ce nouveau modèle entre en production rapidement, le M10 Booker pourrait devenir l’un des programmes militaires les plus coûteux abandonnés de ces dernières années.
Réformer d’urgence le système d’acquisition militaire
Sous la pression de leurs erreurs, les responsables de l’armée introduisent désormais une révision obligatoire des cahiers des charges tous les 120 jours pour s’assurer que les projets restent réalistes et adaptés aux besoins. Ce nouveau processus veut éviter la reproduction d’erreurs comme celles du M10 : développer des machines impossibles à utiliserparce que le monde réel, lui, n’attend pas que la bureaucratie suive.
Source : DefenseOne