Il a vu passer des générations de pilotes, sillonné les mers, traversé les guerres et résisté à l’obsolescence. Mais aujourd’hui, même les plus fidèles doivent admettre que le Super Étendard n’a plus sa place dans le monde d’aujourd’hui.
C’est un avion qui sentait le kérosène, la tôle et le sel. Un appareil que les marins-pilotes ont appris à dompter, à aimer, à respecter. Mais le temps a passé. Ce vétéran de la Marine nationale a beau avoir écrit de belles pages de l’histoire aéronavale, il n’est plus armé pour les guerres du XXIe siècle. Voici pourquoi.
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Une machine née à une autre époque
Quand le Super Étendard a fait son premier vol en 1974, la France sortait tout juste du choc pétrolier. Il n’y avait pas de GPS, pas de drones, pas de guerre numérique. Et pourtant, l’appareil conçu par Dassault Aviation allait devenir un pilier de la Marine. Il a embarqué sur le porte-avions Clemenceau, puis sur le Charles de Gaulle, avec sa silhouette trapue et son aile en flèche qui semblaient dire : “Je suis là pour durer.” Mais derrière cette robustesse, il traînait déjà des choix de conception datés. Sa cellule issue de l’Étendard IV, modernisée mais pas révolutionnaire, montrait vite ses limites face aux exigences modernes. On le bichonnait à quai, on surveillait chaque tôle, chaque rivet. Mais il fallait le pousser à bout pour le garder opérationnel.
Un cockpit à l’ancienne, trop à l’ancienne
Parlez à n’importe quel pilote du Super Étendard, et il vous dira : “C’était du sport.” Pas d’écran tactile, pas d’automatisation, juste des cadrans, des aiguilles, et des réflexes de vieux briscard. C’était un avion qu’on pilotait avec les tripes, pas avec un ordinateur. Et c’est ce qui faisait son charme… mais aussi sa limite. Le radar Anemone était suffisant à l’époque, mais aujourd’hui ? Il ne verrait même pas arriver un missile ennemi. Les jeunes pilotes, formés au Rafale M, découvraient avec stupeur l’univers analogique du SEM. Une plongée dans le passé, fascinante… mais totalement incompatible avec les exigences d’un théâtre moderne. Zéro liaison de données Link 16, pas de fusion de capteurs, pas de mode furtif. Un avion sourd, aveugle et muet, face aux standards actuels.
Une charge utile qui oblige à choisir
Le Super Étendard était un avion d’attaque. Il devait frapper juste, et rentrer vite. Le problème, c’est qu’il ne pouvait pas tout emporter. Les mécanos te le disaient en souriant : “Soit tu mets les bombes, soit tu mets le carburant, mais pas les deux.” Avec moins de 2 000 kg de charge utile, chaque mission devenait un compromis. On voulait embarquer un missile Exocet ? Parfait, mais il ne restait plus grand-chose pour le reste. Une bombe guidée ? Ok, mais adieu l’autonomie. Même un vieux Mirage F1 pouvait emporter plus. Et aujourd’hui, avec des avions comme le Rafale qui chargent 9 500 kg d’armement, le Super Étendard ressemble à un motard avec un sac à dos, quand les autres ont des semi-remorques.
Pas assez rapide, pas assez loin
Ce n’était pas un bolide. Même à pleine puissance, le Super Étendard restait sous Mach 1. Il n’était pas taillé pour le dogfight, ni pour l’interception. Son truc à lui, c’était la frappe au sol, basse altitude, et l’attaque surprise. Mais les théâtres ont changé. Les cibles sont à plus de 1 000 km, les défenses sol-air sont automatisées, hyper rapides, connectées à des réseaux radars globaux. Et lui ? Il met 850 km d’autonomie sans ravitaillement, en croisant les doigts pour ne pas tomber sur un S-400 en chemin. C’était un coureur de fond, dans un monde de drones hypersoniques. Et même avec des ravitailleurs en vol, il devenait un maillon faible, une cible facile.
Trop cher à maintenir, même pour un vétéran
Il y a une phrase qu’on entendait souvent dans les hangars :
“Le Super Étendard, c’est comme un vieux diesel. Il marche, mais faut mettre les mains dedans.”
Et ça coûtait cher. Très cher.
À mesure que les années passaient, les pièces se faisaient rares, les techniciens expérimentés partaient à la retraite, et la documentation devenait un puzzle à moitié effacé. Un seul SEM en état de vol coûtait jusqu’à 2,5 millions d’euros par an à maintenir. Pour un avion qu’on n’osait plus envoyer au front sans couverture Rafale. On finissait par cannibaliser les appareils restants pour maintenir une poignée de survivants. C’était devenu un fardeau logistique, qu’on respectait, mais qu’on ne pouvait plus justifier face aux réalités budgétaires.
Tableau récapitulatif
Critères | Super Étendard SEM | Rafale M |
Vitesse maximale | Mach 0.98 (1 200 km/h) | Mach 1.8 (2 222 km/h) |
Charge utile | 2 000 kg max | 9 500 kg max |
Rayon d’action | 850 km | 1 800 km |
Capteurs | Radar Anemone | RBE2 AESA |
Entrée en service | 1978 | 2004 |
Retrait français | 2016 | Toujours en service |
MCO annuel estimé (€/avion) | 2,5 millions € | 1,6 million € |
La dernière mission
Les derniers vols du Super Étendard ont eu lieu en 2016, lors des opérations contre Daech. Même là, il assurait encore ses frappes, avec précision et fiabilité. Les pilotes savaient que c’était le dernier baroud, que la fin approchait. Certains ont versé une larme. Car ce n’était pas juste un avion. C’était une époque, un style, une culture de vol. Le Rafale allait reprendre le flambeau, avec ses écrans couleur et ses commandes vocales. Mais le SEM, lui, avait volé avec les tripes. Aujourd’hui, quelques exemplaires volent encore en Argentine, faute de mieux. Un vestige d’un monde où la France rayonnait sur les mers avec des avions taillés maison, rustiques, mais redoutables.
Sources :
- Musee Air Espace
- Portail-avion
- Senat