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120 000 drones par mois pour « noyer » le ciel ukrainien ! L’industrie russe n’a désormais plus peur des restrictions occidentales

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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Dans le ciel désormais le silence est effrayant. Le silence est trompeur. Ce que l’on entend, ce ne sont plus les moteurs des chars, mais le bourdonnement discret de milliers …

120 000 drones par mois pour "noyer" le ciel ukrainien ! L'industrie russe n'a désormais plus peur des restrictions occidentales

Dans le ciel désormais le silence est effrayant.

Le silence est trompeur. Ce que l’on entend, ce ne sont plus les moteurs des chars, mais le bourdonnement discret de milliers de drones. En quelques mois, la Russie a construit, à marche forcée, une industrie de guerre aérienne à bas coût. Un essaim mécanique prêt à saturer les lignes ennemies. Derrière les sanctions, une autre bataille s’est engagée : celle de l’innovation improvisée.

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Alors que les sanctions internationales visaient à paralyser l’industrie militaire russe, un contre-mouvement s’est mis en marche dans l’ombre. Des garages de province aux usines d’État, une économie parallèle s’est tissée autour de la production de drones bon marché. L’objectif était simple : produire vite, en grande quantité, et sans dépendance excessive aux composants occidentaux.

Ces efforts ont permis de produire des centaines de milliers d’unités, avec une répartition claire entre les modèles à courte portée, de 20 à 50 kilomètres, et ceux atteignant les 500 kilomètres, capables de frapper loin derrière les lignes adverses.

Voici quelques exemples parmi les plus répandus :

Nom du drone Portée Type Particularités
Lancet 40 km Kamikaze Guidage électro-optique, cible les blindés
Molniya 25 km Attaque courte portée Modèle allégé, utilisable en essaim
Knyaz Vandal 50 km Reconnaissance et frappe Modèle hybride, aile volante
Geran / Harpiya 500+ km Longue portée, inspiré du Shahed-136 Grande capacité de charge, utilisé sur cibles stratégiques

 

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L’évolution tactique dictée par le terrain

Sur le front, les images de drones se sont imposées comme une forme de journal de guerre. Camions frappés en direct, tranchées survolées, positions révélées… L’armée russe a su intégrer ces technologies au plus près de ses unités. Cette intégration repose notamment sur les centres dits Rubicon, chargés de former des opérateurs, développer des tactiques d’emploi, et coordonner les frappes en temps réel.

Selon plusieurs sources proches du front, les efforts portent également sur les drones guidés par fibre optique, capables de résister aux brouillages électroniques. Ce type d’engin, piloté en immersion (first person view, ou FPV), échappe aux interférences et reste opérationnel même en zone saturée.

Une cadence industrielle à faire pâlir les géants

D’après les estimations avancées par certains analystes militaires, la Russie aurait livré en 2024 plus de 120 000 drones par mois à ses forces engagées en Ukraine. Une cadence qui pourrait encore augmenter, tant la production est désormais décentralisée.

On observe par ailleurs une montée en puissance des petites entreprises et start-ups, souvent issues du secteur civil, qui détournent des composants accessibles sur le marché international, principalement en provenance de Chine. Les drones DJI, conçus à l’origine pour la photographie amateur, sont ainsi réquisitionnés, modifiés, puis lancés comme engins explosifs ou éclaireurs improvisés.

Lancet au salon IDEX 2025.
Lancet au salon IDEX 2025.

Une guerre des airs à basse altitude

Face à cette marée mécanique, l’Ukraine tente de riposter. L’armée de Kiev a mis en place un programme d’imitation, fondé sur l’analyse des engins capturés. Lancet, Molniya, Shahed… tous sont passés au crible, démontés, copiés, puis reproduits localement. Le but : créer une symétrie tactique sans devoir reconstruire une industrie complète.

Les deux camps semblent engagés dans une course au mimétisme. À chaque modèle déployé, une réponse apparaît quelques semaines plus tard. L’Ukraine déploie elle aussi des drones kamikazes, souvent bricolés, parfois efficaces. Les lignes se floutent, la frontière entre innovation et improvisation devient poreuse.

Voici quelques exemples d’imitations ou d’adaptations ukrainiennes :

  • Wetruegun : dérivé local du Shahed-136
  • Punisher : drone tactique d’attaque légère
  • Leleka : appareil de reconnaissance de courte portée
  • Furia : drone ISR développé avant-guerre, adapté aux nouvelles conditions

La menace d’un ciel saturé

À mesure que les technologies s’installent, les inquiétudes grandissent. Une experte ukrainienne, engagée dans le soutien aux unités de reconnaissance, a récemment averti : « D’ici 2026, ce ne seront plus des missiles que les civils redouteront, mais des nuées de drones traquant les mouvements dans les villes. »

Ce scénario implique des engins dotés d’algorithmes de reconnaissance automatique, capables de détecter des cibles mobiles en zone urbaine. Il ne s’agirait plus de frapper des positions fixes, mais de chasser des individus, en boucle, sans interruption. Une sorte de surveillance armée, perpétuelle, et déshumanisée.

Les grandes villes de l’ouest ukrainien, jusque-là épargnées, pourraient devenir les prochaines cibles. Lviv, Chernivtsi, voire Ternopil… autant de lieux potentiellement survolés par des patrouilles mécaniques sans pilote.

Un tournant industriel et doctrinal

Ce conflit de drones marque une inflexion majeure dans l’histoire militaire récente. À la différence des armes nucléaires ou des systèmes de défense avancés, la suprématie ne repose pas ici sur la rareté ou la technologie de pointe, mais sur la capacité à produire vite, simple, en masse.

La Russie a démontré, à sa manière, qu’un réseau d’ateliers et de sous-traitants, allié à une logistique réactive et une doctrine d’emploi souple, peut défier les standards occidentaux de guerre conventionnelle. Le coût unitaire moyen d’un drone FPV russe reste inférieur à 4 000 euros, quand une munition guidée occidentale dépasse souvent 30 000 euros.

Cette guerre des airs à basse altitude n’oppose plus uniquement des armées, mais des systèmes d’organisation industrielle. L’impact est tel que plusieurs pays européens ont réactivé des programmes d’armement léger autonome, redoutant un effet de contagion au-delà du front ukrainien.

Image : Drone Lancet russe dans le ciel (retravaillé à l’aide de Canva à des fins de représentation de l’article).

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